Le 9 août 2015
Tout ce qu’on aime dans la comédie italienne : des personnages hauts en couleur, des acteurs magistraux et une vision grinçante du monde.
- Réalisateur : Mario Monicelli
- Acteurs : Alberto Sordi, Giovanna Ralli, Franca Valeri, Mario Carotenuto, Tina Pica
- Genre : Comédie, Noir et blanc
- Nationalité : Italien
- Durée : 1h25mn
- Date télé : 15 mars 2022 20:40
- Chaîne : OCS Géants
- Titre original : Un eroe dei nostri tempi
- Date de sortie : 26 août 2015
L'a vu
Veut le voir
– Année de production : 1955
Résumé : Délateur, peureux, menteur, timide, Sordi vit encore dans les jupons de sa mama et d’une vieille bonne à tout faire : cherchant constamment à éviter tout conflit, toute implication (au travail, avec les femmes, avec la police…) notre Alberto, éternel gaffeur, a néanmoins le don pour se fourrer dans les pires emmerdes ; menacé de licenciement, victime de chantage, suspecté d’une attaque à la bombe, plus Sordi tente de s’expliquer, de s’extraire d’un mauvais pas, plus il s’enfonce. Faut dire que notre homme à la maturité d’un chausson aux pommes qui sort du four et surtout la même mollesse - d’esprit. Il a beau noyer tout son monde de paroles, c’est lui qui finit par couler…
Critique : Un héros de notre temps est d’abord un portrait, savoureusement incarné par Alberto Sordi, d’un personnage antipathique au plus haut point : lâche, délateur, irresponsable, il vit dans une angoisse perpétuelle qui le conduit de catastrophe en catastrophe. Le trait est cruel, comme dans les meilleures comédies italiennes : Alberto s’aplatit devant toute autorité, fuit devant les conflits, ne respecte pas ses engagements et pleure dans le giron de sa tante. Rien à sauver donc chez lui, et c’est le commissaire, presque à la fin, qui lui fait la leçon mais la dernière réplique montre qu’elle a été vaine : Alberto reste le couard qu’il a toujours été. Sarcastique, Monicelli ne lui offre pas d’échappatoire : judiciairement tiré d’affaire, il se retrouve seul, abandonné même par la veuve qui l’aimait et dont les yeux sont dessillés. Au fond, si l’on se contente du personnage d’Alberto, le film peut paraître moralisant : il est puni par où il a péché. Néanmoins, tout autour du « héros », c’est l’ensemble de la population qui se révèle veule et égoïste : ses compagnons sont aussi lâches que lui, le patron espionne ses salariés, et même les personnages secondaires sont des délateurs et des violents. Au total, c’est une vision effroyablement négative qui se dessine en filigrane et l’on n’est pas loin des Monstres de Dino Risi.
Monicelli et Rodolfo Sonego ont taillé sur mesure un scénario à la gloire d’Alberto Sordi, omniprésent et incroyablement bavard, lui offrant des scènes de bravoure mémorables (la séquence de l’opération est par exemple un régal) ; pour autant ils n’ont négligé ni les rôles secondaires, parfaitement caractérisés, ni les péripéties, soignées et solidement enchaînées. De ce point de vue, l’écriture est un modèle : il faut beaucoup d’ingéniosité pour construire une histoire cohérente à partir d’éléments aussi disparates qu’une paire de chaussettes trouées, un mensonge de faux dragueur et un chapeau obligatoire, et les réunir dans un commissariat pour un final d’anthologie. Ajoutons la multiplication de petits détails (le téléphone cadenassé ou la question maintes fois répétée et prenant des sens différents) qui organisent et charpentent le récit. Le miracle, c’est que tout fonctionne sans impression d’artifice.
- © Les Films du Camélia
À travers le personnage d’Alberto et de ses comparses, Monicelli propose la vision pessimiste d’une société individualiste, perpétuellement à la recherche d’une sécurité illusoire. Des être immatures, hantés par la peur, y vivent une existence médiocre, incapables de vrais sentiments. Certes, les femmes sont un peu épargnées par ce jeu de massacre : mais la tante est en partie responsable de ce qu’est devenu Alberto et l’histoire de la veuve est bâtie sur des mensonges. Pas de quoi pavoiser donc, avec ce point de vue si tristement contemporain que le film pourrait servir aujourd’hui d’illustration à un cours de sociologie.
Un héros de notre temps n’est pas un chef-d’œuvre, mais, malgré une mise en scène en retrait, cette comédie grinçante portée par un Alberto Sordi de génie est une satire bienvenue, qui conserve sa force et sa acuité. Détail amusant : Fernando est incarné par un Bud Spencer presque méconnaissable dans sa première apparition au cinéma.
Galerie photos
Le choix du rédacteur
Votre avis
Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.