André-Paul Duchâteau - gentleman conteur

- Tiens, il paraît que les éditions du Lombard sortent un bouquin sur A.P. Duchâteau.
- A.P. Duchâteau, le scénariste de Ric Hochet ? Génial. Et alors ?

Oui, c’est vrai ça : et alors ? Car à bien considérer l’affaire, ce genre d’ouvrage assez fastueux, mais qu’on n’envisage généralement qu’au crépuscule de la carrière d’un auteur, donne parfois l’impression de constituer plus un gros album photos à usage privé qu’un objet de plaisir réservé au public. Et pourtant. Pour la première fois depuis bien longtemps, voici un ouvrage consacré à un auteur BD contemporain dont on ne peut que se dire après l’avoir refermé qu’il manquait cruellement au paysage, peut-être parce qu’on n’y trouve ni autocélébration ni de ces superlatifs ampoulés comme un magasin de luminaires sous lesquels on croule habituellement lorsqu’il est question de célébrer un grand du neuvième art. Car Patrick Gaumer a eu l’intelligence de refléter au plus juste la personnalité de Duchâteau, celle d’un homme discret, passionné, et qui s’est bâti un empire du scénario sans jamais se départir d’une certaine élégance et d’une lisibilité impeccable qui lui ont valu une belle reconnaissance de la part d’un public, selon l’expression consacrée, de 7 à 77 ans.

Organisé de la manière la plus linéaire qui soit, sous la forme d’une interview au long cours, Gentleman conteur est une invitation à la découverte d’un écrivain passionné et à la redécouverte de ses nombreux personnages, tels Yalek, Monsieur Magellan, Les casseurs, Alain Chevalier ou encore Hans, qui sans être aussi emblématiques que Ric Hochet, firent les beaux jours de la presse jeunesse des années 70 et 80.

Ric Hochet justement. Le célèbre journaliste-détective au trench-coat a toujours un peu éclipsé son auteur et semble du coup ne pas apprécier tout le battage fait autour de lui. Son 70e album, Silence de mort - célébrant tout de même 50 ans d’enquêtes ! - sort donc au même moment que Gentleman conteur, au choix en version classique ou en édition spéciale, dos toilé et agrémentée de 30 pages permettant de mieux découvrir l’univers du justicier à mèche. L’occasion de redire à quel point on aime Ric Hochet, personnage indémodable puisque assumant avec un certain humour son côté kitsch, et dont les enquêtes, très influencées par John Dickson Carr et d’autres maîtres du polar old school, se suivent comme un divertissement très daté qui n’en finit plus de jouer avec ses propres codes. Certains diront que ce constat prouve que Duchâteau ne se renouvelle plus depuis plusieurs dizaines d’années. On leur rétorquera que ce n’est pas forcément ce que ses lecteurs lui demandent. Et qu’au vu de l’épaisse bibliographie qui conclut l’ouvrage de Gaumer, recensant historiettes, albums et un nombre impressionnant de romans, tous ou presque basés sous le signe du polar, il est dans le monde peu d’auteurs, qui à défaut d’avoir révolutionné un genre déjà terriblement exploité, lui ont donné autant de lettres de noblesse.