Le 5 juillet 2005
Là-bas, j’y suis aussi ?
Là-bas, j’y suis aussi ?
Envie de mots, ce soir-là, mais pas de lire. Cela tombait bien : le tout frais enregistrement sur CD de l’émission Le vent des routes que la Radio Suisse romande avait consacrée à Nicolas Bouvier m’attendait [1]. La voix chaleureuse de l’écrivain racontant ses voyages et lisant une poignée de ses poèmes, quelques-unes des musiques et poussières du monde qu’il avait ramenées de l’Est au début des années cinquante, des témoignages éclairants - le vent des routes soufflait dans mon salon.
Il balayait aussi les îles d’Aran, se souvient Bouvier. Sans jamais s’arrêter, au point même d’enivrer le voyageur dès les premières heures de la journée. "On croit qu’on va faire un voyage, mais bientôt c’est le voyage qui vous fait, ou vous défait", écrira le pérégrin. Car, comme le relève Jacques Lacarrière, les voyages de Nicolas Bouvier étaient le contraire du tourisme. Ils étaient de ceux dont on pouvait ne pas revenir.
Piégé par le soleil de Ceylan, l’écrivain fut à deux doigts de franchir "la dernière douane" sur l’île aux mille sourires. Il lui faudra plus de vingt ans pour se défaire de son souvenir, avec l’écriture du Poisson-scorpion. L’évocation de ce roman libérateur grouillant d’insectes fait soudain écho à la vue qui s’offre à moi. Cogne contre la fenêtre le plus inoffensif des moustiques, l’un de ces cousins dont la courte vie semble destinée à se frapper contre vitres et murs.
La blanche torpeur de Ceylan, la verdeur ouateuse de la campagne helvète - deux mondes ? Peu importe au fond. Jacques Lacarrière le souligne bien : ce que Bouvier a vécu en voyageant au loin, il aurait pu le vivre retiré sur le sommet d’une montagne genevoise. Et en écrivant L’usage du monde, il a surtout écrit l’usage du temps.
[1] Nicolas Bouvier, Le vent des routes. Entretiens avec et autour de Nicolas Bouvier, 2 CD et un livret, éd. Zoé-RSR, 2005
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