De Renoir à Sautet
Le 16 octobre 2016
Hommage à un demi-siècle de cinéma français par un réalisateur fan de Renoir et Sautet mais aussi Vigo ou Becker, ce documentaire passionné et passionnant ravira les cinéphiles aussi bien que le grand public nostalgique.
- Réalisateur : Bertrand Tavernier
- Genre : Documentaire
- Nationalité : Français
- Distributeur : Pathé Distribution
- Durée : 3h15mn
- Date de sortie : 12 octobre 2016
- Festival : Festival de Cannes 2016
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Résumé : « Ce travail de citoyen et d’espion, d’explorateur et de peintre, de chroniqueur et d’aventurier qu’ont si bien décrit tant d’auteurs, de Casanova à Gilles Perrault, n’est-ce pas une belle définition du métier de cinéaste que l’on a envie d’appliquer à Renoir, à Becker, au Vigo de l’Atalante, à Duvivier, aussi bien qu’à Truffaut ou Demy. À Max Ophuls et aussi à Bresson. Et à des metteurs en scène moins connus, Grangier, Gréville ou encore Sacha, qui, au détour d’une scène ou d’un film, illuminent une émotion, débusquent des vérités surprenantes. Je voudrais que ce film soit un acte de gratitude envers tous ceux, cinéastes, scénaristes, acteurs et musiciens qui ont surgi dans ma vie. La mémoire réchauffe : ce film, c’est un peu de charbon pour les nuits d’hiver. »
Critique : En introduction du dossier de presse, ces propos de Bertrand Tavernier traduisent à merveille sa démarche. Le présent voyage présente une mine d’informations et ravivera bien des souvenirs, tout en faisant découvrir tout un pan de notre cinéma aux nouvelles générations. Le travail de Bertrand Tavernier est à la fois affectif (faire partager des émotions de son enfance et de sa jeunesse) et historique : du réalisme poétique des années 1930 à Max et les ferrailleurs (1972) de Claude Sautet, en passant par la Nouvelle Vague, la diversité du 7e art français y est évoquée, sans sectarisme ni querelle de chapelles, ce qui n’exclut pas une subjectivité assumée et une volonté de contester des idées reçues. Ce retour dans le temps n’est nullement linéaire, Tavernier évoquant successivement Jacques Becker (dont il découvrit les films dans un sanatorium), Jean Renoir, Jean Gabin, Marcel Carné, Maurice Jaubert et Joseph Kosma (compositeurs de légende), mais aussi Edmond T. Gréville, Eddie Constantine, Jean-Pierre Melville et Claude Sautet.
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Privilégiant la méthode de Martin Scorsese, l’auteur de L’Horloger de Saint-Paul se livre à de subtiles « leçons de cinéma », qu’il analyse les mouvements de caméra dans La Règle du jeu et L’Armée des ombres, qu’il établisse de troublants parallèles (entre Bresson et Melville), ou qu’il remette les pendules à l’heure : non, Renoir n’était pas un adepte de l’improvisation et ne détestait pas le cinéma de studio, contrairement à ce qu’il affirma à Rivette et Truffaut ; non, le personnage de Gabin ne s’est pas « embourgeoisé » dans l’après-guerre : il a simplement incarné les mutations de la figure prolétarienne, de La Traversée de Paris au Chat, tout en élargissant le registre de l’acteur, malgré une indéniable routine en fin de carrière. Car Tavernier, s’il ne cache pas ses enthousiasmes, est toujours dans la nuance. La politique des auteurs ? Il semble y adhérer, mais reconnaît que ses metteurs en scène préférés n’ont pas fait que des chefs-d’œuvre : s’il tient Melville pour un adaptateur génial et un cinéaste de premier ordre, il estime que Bob le flambeur et Deux hommes dans Manhattan comportent des failles. Si les réalisateurs incontournables (Renoir, Truffaut) ont toute son admiration, il refuse d’en faire des saints (le premier eut ses zones d’ombre au début de l’Occupation, le second rejeta en bloc tout le « cinéma de scénaristes »). Et plutôt que d’évoquer tous leurs films, Tavernier préfère mettre en exergue des plans d’œuvres sous-estimées (Macao, l’enfer du jeu de Jean Delannoy), méconnues (tous les films de Gréville), ou oubliées (les premiers Eddie Constantine) : Tavernier déterre ainsi des séries B policières inventives comme Cet homme est dangereux de Jean Sacha, dont les extraits alternent avec ceux de petits bijoux du cinéma d’auteur dont Adieu Philippine de Jacques Rozier ou Cléo de 5 à 7 d’Agnès Varda.
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Tavernier fait dont preuve de son habituelle ouverture d’esprit, ce qui n’exclut pas une exigence dans son discours critique. Ce formidable conteur ravira en outre les fans d’anecdotes. L’on apprendra ainsi que la fameuse réplique « Atmosphère, Atmosphère » d’Hôtel du Nord a été écrite par Henri Jeanson suite à un différend avec Carné sur le tournage. Enfin, le film de Tavernier permettra de croiser les ombres de nombreux acteurs emblématiques du cinéma français, même si (à part Gabin et Constantine), ils ne sont évoqués que furtivement. Et c’est toujours un plaisir de revoir des séquences cultes illuminées par les présences de Jules Berry, Arletty, Simone Signoret, Michel Simon, Lino Ventura et tant d’autres. Ce long documentaire passionnant sera suivi par une série télévisée comprenant neuf épisodes d’une cinquantaine de minutes, et dans lesquels seront abordés les cinéastes peu présents ou absents de ce long préambule. On a hâte de la découvrir.
– Sélection Cannes Classics 2016
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