L’armée des ombres - Jean-Pierre Melville - critique

Critique : Tiré du roman époonyme de Joseph Kessel qui a vécu la Résistance, le film de Jean-Pierre Melville, également responsable du scénario, se tient très loin du film d’aventures et même du film de guerre classique. Il nous plonge dans un univers froid, presque désincarné, où les protagonistes se sont donnés une seule et unique mission totalement prépondérante, qu’ils comptent mener à bien, sans gloire ni pathos. Dès le début, Philippe Gerbier est présenté par les autorités comme un homme froid et intelligent, mais non dénué d’une certaine ironie. Et c’est vrai que Lino Ventura, droit comme un I ne se déparera pourtant presque jamais d’un petit sourire en coin.
Dans ce monde terrible qui ne laisse pas de place à l’espoir, le cinéaste va réussir à créer une tension permanente qui va franchir un palier dès qu’apparaît un nouveau membre de cette armée secrète. Chaque personnage va marquer les esprits par son sens de l’abnégation : Luc Jardie (Paul Meurisse), professeur érudit et chef incontesté ; Mathilde (Simone Signoret), brillant agent de renseignements respectée de tous, Jean-François (Jean-Pierre Cassel), faussement décontracté, mais finalement prêt au sacrifice ; ou encore les personnages interprétés par Paul Crauchet, Christian Barbier et Claude Mann, seconds couteaux indéfectibles.

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Cette distanciation permanente et extrêmement maîtrisée conduit à un récit tendu et passionnant qui, malgré l’issue qu’il laisse présager, distille un incroyable suspense.

L’interprétation est elle aussi exceptionnelle. Si tous sont impeccables, le personnage de Mathilde la seule femme du film, avec son parcours tragiquement cornélien, ne peut que marquer durablement.

Jean-Pierre Melville, plus habitué aux films policiers, réussissait pourtant en 1968, l’une des œuvres les plus brillantes sur la Résistance. C’est toujours vrai aujourd’hui.