Le 28 février 2024
Si certains éléments du film ont vieilli, Les enfants terribles n’en demeure pas moins une œuvre insolite dans le paysage cinématographique français des années 1950.
- Réalisateur : Jean-Pierre Melville
- Acteurs : Renée Cosima, Édouard Dermithe, Jacques Bernard, Roger Gaillard, Hélène Rémy, Nicole Stéphane
- Genre : Drame, Teen movie, Noir et blanc
- Nationalité : Français
- Distributeur : Gaumont Distribution
- Durée : 1h45mn
- Date de sortie : 29 mars 1950
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Résumé : Après la mort de leur mère, un frère et une sœur vivent dans la chambre fermée d’un grand appartement parisien ou, avec deux amis, ils se créent un univers a la fois baroque et insolite.
Critique : Second long métrage de Jean-Pierre Melville, qui en a aussi assuré la production, Les enfants terribles peut être perçu avant tout comme l’œuvre de Jean Cocteau. Séduit par Le silence de la mer (1948), le premier long métrage que Melville avait tiré du roman de Vercors, Cocteau lui proposa d’être derrière la caméra pour le présent film. Il s’agit à la base d’un roman que Cocteau avait publié en 1929, et qui avait connu un franc succès. Comme pour Les dames du bois de Boulogne (1945) de Bresson (d’après Diderot), Cocteau est ici crédité seulement en tant qu’adaptateur et dialoguiste. Mais comme il s’agit de son matériau initial, le poète cinéaste s’est beaucoup investi. Distribué par Gaumont, Les enfants terribles sortit la même année qu’Orphée, que Cocteau réalisa lui-même, et qui reçut un meilleur accueil. Car le métrage a toujours été considéré comme décevant dans les filmographies respectives de Melville et Cocteau, dont les personnalités et les univers étaient d’ailleurs aux antipodes.
Dans l’ouvrage Une histoire du cinéma français : 1950-1959 (éditions LettMotif, 2021), Denis Zorgnotti pouvait ainsi, à juste titre, caractériser le film comme « la rencontre de la carpe et du lapin : Jean-Pierre Melville, le taiseux, et Jean Cocteau, le volubile ». Il est clair que l’œuvre a un brin vieilli par son symbolisme pesant, sa musique classique assourdissante dans certaines scènes, la voix off nasillarde et déclamatoire de Cocteau, et surtout un casting inadapté pour les deux protagonistes. Nicole Stéphane, si sobre et touchante dans son rôle muet du Silence de la mer, en fait ici des tonnes pour montrer la folie dévastatrice d’Élisabeth, quand son partenaire Édouard Dermithe, ersatz de Jean Marais, est certes d’une exquise beauté grecque, mais témoigne d’un jeu inexpressif pour incarner son frère Paul. Les deux autres jeune acteurs s’en sortent un peu mieux, à savoir Renée Cosima dans un double rôle (le troublant Dargelos et l’ingénue Agathe) ; et Jacques Bernard qui interprète Gérard, le meilleur ami de Paul.
En dépit de ses défauts, Les enfants terribles reste une œuvre estimable. En premier lieu, le scénario, inconfortable et culotté, est bien en cohérence avec l’univers de Cocteau, aussi bien dans sa description de l’emprise familiale (dans le prolongement des Parents terribles, 1948) que dans l’évocation des démons personnels ou de la mort. Et sa peinture d’une relation fusionnelle entre frère et sœur annonce des films d’autres cinéastes, tels Les enfants du placard (1977) de Benoit Jacquot et Love Streams (1984) de Cassavetes. En second lieu, la mise en scène de Melville est d’une grande grâce, à la fois sobre et élégante. Le réalisateur parvient à filmer l’oppression des personnages par des gros plans révélateurs, et se montre aussi à l’aise dans les scènes d’intérieur (l’appartement baroque, le compartiment du train) que dans les passages en extérieur, d’une bataille de boules de neige entre collégiens à une onirique scène de mauvais augure. Le réalisateur est ici bien épaulé par son directeur photo, Henri Decae. Au final, Les enfants terribles est donc certes un film mineur mais il mérite une redécouverte, comme objet insolite du patrimoine.
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