Atmosphère, atmosphère...
Le 16 juillet 2022
Un classique du réalisme poétique des années 1930. Henri Jeanson a écrit pour Arletty et Louis Jouvet des dialogues cultes du cinéma français.
- Réalisateur : Marcel Carné
- Acteurs : Paulette Dubost, Bernard Blier, François Périer, Louis Jouvet, Marcel André, Annabella, Jane Marken, Jean-Pierre Aumont, Arletty, Andrex, André Brunot, Jacques Louvigny, René Bergeron, Raymone
- Genre : Comédie dramatique, Noir et blanc
- Nationalité : Français
- Distributeur : Le Reflet Médicis, Lux Compagnie Cinématographique de France
- Editeur vidéo : MK2 Video
- Durée : 1h35mn
- Date télé : 16 juillet 2022 20:40
- Chaîne : OCS Géants
- Date de sortie : 19 décembre 1938
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Résumé : Un hôtel modeste au bord du canal Saint-Martin abrite une clientèle bigarrée. Pierre et Renée, un couple d’amoureux, décident d’en finir avec la vie. Ce qui va s’avérer plus difficile que prévu. Un autre couple, M. Edmond, mystérieux homme, et Raymonde, une prostituée, vont se mêler à l’histoire des amoureux désespérés.
Critique : « Atmosphère, atmosphère... Est-ce que j’ai une gueule d’atmosphère ? ». L’une des répliques les plus célèbres du cinéma français est due à la verve de Henri Jeanson, dialoguiste inspiré qui a ouvert à Arletty les portes du vedettariat... Réalisé la même année que Le quai des brumes, Hôtel du Nord marque une pause dans la collaboration entre Carné et Prévert, puisque le poète n’a pas participé au scénario, adaptation d’un roman d’Eugène Dabit, avec la collaboration de Jean Aurenche. On trouve pourtant l’influence de sa thématique qui a certainement imprégné Marcel Carné, maître d’œuvre de ce bijou du réalisme poétique : les amants désespérés et désunis, la fatalité de passions impossibles et non partagées, le cadre étouffant d’un décor qui va happer les protagonistes. Le quartier du canal Saint-Martin succède ici au Havre et s’avèrera au centre d’une unité de lieu, malgré une brève échappée à Marseille à la fin du récit. Un pessimisme ambiant hante le film, typique du cinéma français des dernières années d’avant-guerre. La noirceur de cette histoire de suicide raté et de règlements de compte entre truands est ici tempérée par un humour irrésistible, le personnage de Mme Raymonde détendant l’atmosphère par ses réparties. « Ah vous pouvez crâner : pour une belle prise c’est une belle prise », lance-t-elle aux policiers l’arrêtant pour défaut de papiers alors qu’un meurtre vient d’être commis à l’hôtel. D’autres personnages pittoresques complètent la galerie de seconds rôles familiers du cinéma de l’époque : Bernard Blier en brave garçon cocufié par une Paulette Dubost s’encanaillant avec un Andrex peu catholique, Jane Marken et André Brunot en hôteliers bienveillants... C’est sans doute cette légèreté de digressions qui a longtemps contribué au fait que les historiens ont sous-estimé le film, et ce d’autant plus que l’intrigue principale entre les deux amants suicidaires a pu paraître (et semble encore) un peu pâle.
Pourtant, cette alternance de comédie et de drame est rétrospectivement ce qui fait la saveur d’Hôtel du Nord. On notera même deux allusions audacieuses. La première est politique : le gamin adopté par les hôteliers est un orphelin de la guerre d’Espagne, traumatisé par les bombardements de Barcelone ; la seconde est liée au personnage de François Périer, dont l’homosexualité assumée est quasiment explicite, caractérisation exceptionnelle eu égard à la censure et aux mœurs de l’époque. Hôtel du Nord frappe aussi par sa beauté esthétique, le travail en studio étant combiné à quelques prises de vue réelles de quartier de Paris. On appréciera le travail de décorateur d’Alexandre Trauner, ainsi que la musique de Maurice Jaubert, les deux artistes étant de fidèles collaborateurs de Carné. Les travellings le long du canal ou les gros plans sur le beau visage romantique d’Annabella s’insèrent avec bonheur dans un découpage technique supervisé par Carné. Le film fut un triomphe personnel pour Louis Jouvet et Arletty, qui volèrent la vedette au couple de stars Annabella-Jean-Pierre Aumont, autour desquels le film était monté. En souteneur à double identité qui tente de trouver une troisième vie par un amour soudain, Louis Jouvet incarne un personnage à la fois terrifiant et pathétique. Arletty déploie sa gouaille de titi parisien maniant l’argot, définissant les contours d’un personnage comique qui sera le sien, et anticipant par son rôle d’amoureuse déçue l’évolution dramatique qui culminera dans Les visiteurs du soir et Les enfants du paradis. Pour les amateurs de pèlerinage cinématographique et gastronomique, signalons que le lieu de l’Hôtel du Nord abrite aujourd’hui un délicieux restaurant orné de photos de tournage de ce film d’atmosphères...
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