Noiret et Huppert dans un polar de Tavernier
Le 26 mars 2023
Avec cette adaptation brillante d’un roman de Jim Thompson, Bertrand Tavernier offre une fois de plus un rôle en or à Philippe Noiret.
- Réalisateur : Bertrand Tavernier
- Acteurs : Isabelle Huppert, Stéphane Audran, Philippe Noiret, Jean-Pierre Marielle, Guy Marchand, Eddy Mitchell, Michel Beaune, François Perrot, Irène Skobline, Jean Champion, Victor Garrivier, Gérard Hernandez, Daniel Langlet, Samba Mané
- Genre : Comédie dramatique, Policier / Polar / Film noir / Thriller / Film de gangsters
- Nationalité : Français
- Distributeur : Tamasa Distribution , Parafrance
- Editeur vidéo : Studiocanal
- Durée : 2h08mn
- Date télé : 29 juillet 2024 23:46
- Chaîne : C8
- Reprise: 15 février 2023
- Date de sortie : 4 novembre 1981
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Résumé : 1938. Afrique Occidentale française. Lucien Cordier est l’unique policier d’une petite ville coloniale. Méprisé de tous pour sa lâcheté et sa veulerie, il est l’objet de moqueries et de railleries. Lorsque son officier supérieur lui fait prendre conscience de sa médiocrité, il se transforme en justicier envoyé de Dieu...
Critique : Adapté d’un polar de Jim Thompson, Coup de torchon marque les retrouvailles de Bertrand Tavernier avec Philippe Noiret mais aussi le scénariste Jean Aurenche, les trois hommes ayant déjà collaboré pour L’horloger de Saint-Paul, Que la fête commence et Le juge et l’assassin. L’action du roman, qui se déroulait dans le Sud des États-Unis des années 40, a été transposée dans l’Afrique coloniale d’avant-guerre, et le film a été tourné au Sénégal, ce qui semblait le plus plausible pour Tavernier. Du matériau littéraire initial, Tavernier et Aurenche ont conservé le mélange de farce bouffonne et de tragédie, en tentant de conserver cette distance métaphysique propre à l’écrivain. L’ouverture et la clôture, qui boucle la première scène, sont à cet égard admirables, la solitude de Cordier face à des enfants affamés et une éclipse soudaine créant un effet de distanciation et d’étrangeté, conforté par le travail visuel d’Alexandre Trauner et la musique jazz de Philippe Sarde. Entre les deux séquences, le film s’avère être un polar désenchanté, la luminosité de la photo (tournage sous 35° de température) contrastant avec la noirceur des situations (violence, lâchetés, assassinats...).
- © Tamasa Distribution
Mais cette noirceur n’apparaît pas à chaque plan. Contrairement à un cinéma (néo)colonial illustré naguère par des œuvres comme Le grand jeu de Jacques Feyder, Coup de torchon adopte un ton léger, appuyé par des personnages pittoresques souvent drôles ou joyeux, la noirceur ne surgissant qu’au détour d’un plan ou d’une réplique. Le meurtre de deux maquereaux (Jean-Pierre Marielle et Gérard Hernandez), abattus soudainement et sans raison apparente alors qu’ils chantaient Tchi tchi de Tino Rossi, est ainsi l’un des passages les plus emblématiques de l’esprit de l’œuvre. Si Coup de torchon semble aussi une satire de la colonisation française, avec ses beaufs racistes (Guy Marchand) ou cruels (Victor Garrivier), ses militaires à côté de la plaque (François Perrot), ses prêtres paternalistes (Jean Champion), et son peuple soumis (Samba Mané), avec une domination culturelle flagrante (la projection de Mademoiselle Docteur), Tavernier et Aurenche suivent en fait d’autres pistes. Ils préfèrent décrire une petite communauté vivant en vase clos et passant progressivement d’une normalité en porte-à-faux à la confrontation à des événements étranges.
- © Tamasa Distribution
Il baigne ainsi dans Coup de torchon, un climat poisseux et une tonalité presque surréaliste ou fantastique. Cette tendance apparaît dans certains dialogues, à l’instar des « Tu commences à m’ombrager » ou « Tu m’interlocutes » lancés par Nono (Eddy Mitchell). Mais elle est surtout au cœur du récit, qui voit surgir un faux fantôme ou un aveugle fou (Raymond Hermantier). Dans cette ambiance glauque, folle et belliqueuse, l’amour semble impossible et Cordier, autoproclamé nouveau Christ, ne le trouvera ni auprès de sa mégère infidèle (Stéphane Audran), ni de la femme fatale (Isabelle Huppert dans son premier rôle extraverti), ni de l’institutrice (Irène Skobline), seule incarnation de la pureté dans cet univers. Philippe Noiret trouve peut-être le meilleur rôle de sa carrière avec ce personnage de policier faible qui finira par vouloir incarner le bien en causant le mal. Admirablement filmé (les plans sur Huppert suivis d’un travelling, ou la caméra poursuivant la comédienne après un crime), Coup de torchon fut un succès retentissant suivi de dix nominations aux César dont aucune ne fut, hélas, concrétisée.
– Syndicat Français de la Critique de Cinéma 1982 : Prix du meilleur film
– Sindacato Nazionale Giornalisti Cinematografici Italiani 1986 : Prix du meilleur acteur étranger pour Philippe Noiret
- © Tamasa Distribution
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