Le premier polar de Melville
Le 8 mai 2020
Annonciateur de la Nouvelle Vague, ce polar épuré et inspiré est digne des meilleures séries B américaines.
- Réalisateur : Jean-Pierre Melville
- Acteurs : Howard Vernon, Guy Decomble, Isabelle Corey, Roger Duchesne, Daniel Cauchy, Gérard Buhr, Claude Cerval
- Genre : Policier / Polar / Film noir / Thriller / Film de gangsters, Noir et blanc
- Nationalité : Français
- Distributeur : Les Acacias, Mondial Films
- Editeur vidéo : Studiocanal
- Durée : 1h38mn
- Date télé : 28 septembre 2024 01:10
- Chaîne : France 3
- Date de sortie : 24 août 1956
- Plus d'informations : Histoire du Polar au cinéma
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Résumé : Il y a longtemps que Bob s’est retiré du milieu. Il se consacre maintenant à son unique passion, le jeu. Il a aussi un grand cœur et héberge Anne, une jeune fille fauchée prête à sombrer dans la prostitution. Anne a une liaison avec Paulo, un des fans de Bob. Après de grosses pertes au jeu, Bob décide de monter un coup pour se refaire...
Critique : Après avoir adapté Vercors (Le silence de la mer) et Cocteau (Les enfants terribles), Jean-Pierre Melville reste plusieurs années sans tourner. Il choisit alors d’écrire un récit policier en collaboration avec Auguste Le Breton, à qui on doit le roman et le scénario de Du rififi chez les hommes (Jules Dassin, 1955). Bob le flambeur s’inscrit a priori dans ce courant du polar français traditionnel, qui a donné des œuvres de qualité comme Touchez pas au grisbi (Jacques Becker, 1954), mais aussi de nombreuses bandes produites à la chaîne et situant leur action entre Montmartre et Pigalle. Pourtant, Bob le flambeur s’avérait novateur et se distinguait de ces productions. Certes, on y trouve tout le pittoresque des conventions du genre. L’amitié entre Bob et son jeune protégé (Daniel Cauchy) fait écho à celles tissées entre les personnages de Jean Gabin et Gilbert Gil dans Pépé le Moko ou René Dary dans Touchez pas de grisbi. Il ne manque ni le casse qui foire, ni le code de l’honneur que transgresse le proxénète (Gérard Buhr), ni le policier admiratif et implicitement complice (Guy Decomble), ni la vieille amie tenancière de bar, fidèle et compréhensive (Simone Paris). La mesquinerie du croupier minable (Claude Cerval) et de son épouse cupide (Colette Fleury) est dans la galerie des « salauds de pauvres » du cinéma français des années 50 mais annonce aussi les couples pitoyables croqués par d’autres cinéastes, de Marie Windsor et Elisha Cook Jr. dans L’ultime razzia à Stéphane Audran et Guy Marchand dans Mortelle randonnée.
Mais L’originalité de Melville ne se limite pas à ces silhouettes filmées avec ironie. Le projet même du cinéaste est singulier, ne serait-ce que par les conditions de production. Si les séries B hollywoodiennes signées Edgar G. Ulmer ou Jacques Tourneur bénéficiaient d’une logistique de studio, il n’en est rien de Bob le flambeur dont l’économie de moyens est à part dans le cinéma français de l’époque. Tourné sans vedettes, le film a pour têtes d’affiche Roger Duchesne, un ex-jeune premier des années 30, et Isabelle Corey, beauté révélée, étoile filante du septième art. Les prises de vue sur la capitale et à Deauville annoncent le style de la Nouvelle Vague et sa liberté de ton. La première séquence est à cet égard emblématique, qui voit Melville lui-même commenter en voix off l’exposition, filmant Montmartre « pendant ces quelques minutes qui séparent la nuit du jour ». On semble proche du cinéma-vérité, le narrateur décrivant une femme de ménage visiblement « très en retard », avant que la fiction ne s’installe avec la première apparition d’Anne « cette toute jeune fille, très en avance... sur son âge ». Le reste du film est à l’avenant, alternant réalisme détaché (la partie au casino) et romanesque décalé (l’amour platonique de Bob pour Anne). On trouvera aussi dans Bob le flambeur cette ascèse mélancolique qui culminera dans les futurs polars de Melville, du Samouraï au Cercle rouge.
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