Au matin d’une chaude journée
Le 17 octobre 2013
En retrouvant la splendeur visuelle de sa photo le film le plus célèbre d’Ozu stupéfie et émeut plus que jamais.
- Réalisateur : Yasujirō Ozu
- Acteurs : Chishū Ryū, Setsuko Hara, Chieko Higashiyama, Sō Yamamura, Eijirō Tōno, Kuniko Miyake, Kyōko Kagawa, Haruko Sugimura, Nobuo Nakamura, Shirō Ōsaka, Toyo Takahashi
- Genre : Drame
- Nationalité : Japonais
- Editeur vidéo : Carlotta Films
- Durée : 2h16mn
- Titre original : 東京物語 / Tōkyō monogatari / Contes de Tokyo
- Plus d'informations : http://www.carlottavod.com/film-269...
– Sortie blu-ray : 9 octobre 2013
– Tournage : juillet à octobre 1953
– Sortie au Japon : 3 novembre 1953
– Première sortie en France : 8 février 1978 / réédition : 26 juin 2006
En retrouvant la splendeur visuelle de sa photo le film le plus célèbre d’Ozu stupéfie et émeut plus que jamais.
L’argument :Un couple âgé entreprend un voyage pour rendre visite à ses enfants. D’abord accueillis avec les égards qui leur sont dus, les parents s’avèrent bientôt dérangeants. Seule Noriko, la veuve de leur fils mort à la guerre, trouve du temps à leur consacrer. Les enfants, quant à eux, se cotisent pour leur offrir un séjour dans la station thermale d’Atami, loin de Tokyo...
Notre avis : Lorsque au petit jour, après des heures passées au chevet de son épouse Tomi (Chieko Higashiyama, bouleversante), décédée durant la nuit, le vieux Shukichi Hirayama (étonnante composition d’un Chishu Ryu même pas quinquagénaire) est sorti sur la terrasse inondée de lumière matinale et se lève à l’approche de sa belle fille Noriko (Setsuko Hara, sublime) il l’accueille de ces mots : Le lever de soleil était magnifique. Il va encore faire chaud aujourd’hui.
L’émotion qui, présente en sourdine depuis le début malgré les nombreuses touches humoristiques indispensables chez Ozu, vient d’atteindre son point d’acmé et menace de prendre le dessus est ainsi comme remise à sa place et, en même temps, paradoxalement renforcée.
- Tokyo monogatari (Ozu 1953)
Ce refus du mélodrame, de la surenchère émotionnelle, participe, au même titre que les fameux plans d’oreillers (comme ce remorqueur, au loin dans le port, dont le bruit de moteur envahit le silence de la maison), du geste esthétique et éthique qui est à l’oeuvre dans tout le film : un regard qui cherche, et trouve la juste distance en soulignant la composition à l’intérieur du cadre, en cassant la fluidité narrative par la violence du champ-contrechamp, en imposant aux acteurs des contraintes techniques, calculées au millimètre, qui canalisent le jeu et les empêchent de tomber dans la psychologie.
- Setsuko Hara dans Tokyo monogatari (Ozu 1953)
Le résultat, incroyable, est un film où l’aspect formel, obstinément présent, ne paraît à aucun moment arbitraire, affirmation de maîtrise ou effet de signature, mais s’impose avec la simplicité retrouvée d’une totale évidence.
Lire aussi la critique de Marie Bernard
Signalons que l’éditeur sort en même temps une édition blu-ray d’un autre chef d’oeuvre d’Ozu Le fils unique.
Le blu-ray
- Tokyo monogatari (Ozu 1953)
Une superbe édition blu-ray qui rend justice à la photo de Yuharu Atsuda et apporte des éclairages pertinents sur ce chef d’oeuvre.
Les suppléments
Ils étaient déjà présents dans l’édition de 2007. Mais comme il sont de grande qualité on ne s’en plaindra pas.
– Récits de Tokyo : lecture illustrée d’un extrait du livre de Kiju Yoshida Ozu ou l’anti-cinéma qui cerne les parti-pris anti-cinématographiques d’un film dont le succès, phénoménal, avait mis mal à l’aise le cinéaste craignant de s’être trop laissé aller à la psychologie et à l’émotion facile et qui cherchera par la suite à accentuer encore l’aspect formel de son cinéma pour mettre à distance plus sûrement la tentation du mélodrame (sans réussir pourtant à s’aliéner la faveur d’un vaste public lui restant indéfectiblement fidèle).
– un passionnant Jeux de rôles de 27 minutes, toujours pertinent et éclairant, au cours duquel Paul Jobin et Kazuhiko Yatabe, puis Charles Tesson, font part de leurs réflexions concernant les domaines particuliers assignés aux personnages dans Voyage à Tokyo, les particularismes liés au contexte historique, politique et social du film et son caractère universel ou encore le travail du cinéaste avec les acteurs (Tu n’es pas supposé ressentir, tu es supposé faire).
– A priori plus anecdotique mais tout à fait passionnant également, Voyage dans le cinéma est un des épisodes d’une série japonaise qui revient sur les lieux de tournage des films d’Ozu, ici les quartiers est de Tokyo et la ville d’Onomichi près d’Hiroshima. La confrontation des extraits de Voyage à Tokyo et des mêmes lieux, filmés en couleur, des dizaines d’années plus tard, avec des cadrages identiques, est troublante et fait surgir un sentiment du temps qui passe qui est bien dans l’esprit du cinéma d’Ozu.
– La bande-annonce d’époque ne dure pas moins de 4 minutes ! Elle ne trahit pas l’esprit du film mais fait clairement apparaître qu’il s’agit aussi d’une production de prestige avec un casting all stars.
- Tokyo monogatari (Ozu 1953)
Image
Tokyo monogatari est un film d’été, placé sous le signe de la chaleur et d’une luminosité intense. Pendant longtemps on n’a pu le voir que dans des copies abimées et grisâtres qui ne rendaient pas justice à la splendeur visuelle de la photo du grand chef opérateur Yuharu Atsuda.
La première édition DVD proposée par Carlotta en 2007 avait déjà permis de redécouvrir l’oeuvre dans de bien meilleures conditions. Avec cette nouvelle édition blu-ray, faite à partir d’un master restauré en 2011, on n’est plus très loin de l’idéal.
Même si subsistent quelques instabilités et si le grain numérique reste par moments trop visible la compression est globalement satisfaisante et on peut vraiment s’émerveiller devant la beauté d’une image bien définie et superbement contrastée.
- Tokyo monogatari (Ozu 1953)
Son
Il semble qu’il n’ait pas été possible de nettoyer totalement la bande mono de son souffle et de divers grésillements. L’impression d’un son légèrement étouffé se dissipe néanmoins rapidement et ne procure pas de gène véritable à l’écoute.
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Haruka 26 janvier 2020
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Véritable merveille visuelle, c’est sans conteste que voyage à Tokyo est un jalon dans l’esthétique de la culture japonaise.