Le 14 juin 2024
Remake d’un de ses anciens films, Bonjour est méconnu dans la filmographie d’Ozu et reflète toute la délicatesse de son art.
- Réalisateur : Yasujirō Ozu
- Acteurs : Chishū Ryū, Eijirō Tōno, Keiji Sada, Kuniko Miyake, Haruko Sugimura, Yoshiko Kuga, Haruo Tanaka, Teruko Nagaoka, Sadako Sawamura, Toyo Takahashi, Eiko Miyoshi, Taiji Tonoyama
- Genre : Comédie dramatique
- Nationalité : Japonais
- Distributeur : Carlotta Films
- Durée : 1h34mn
- Reprise: 19 août 2020
- Titre original : Ohayô
- Date de sortie : 12 janvier 1994
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– Année de production : 1959
Résumé : Dans une ville de la banlieue de Tokyo, la vie suit tranquillement son cours : les mères de famille s’occupent de leur intérieur tout en jalousant celui des autres, les pères se croisent au café du coin et s’inquiètent de leur retraite à venir, tandis que les fils passent leur temps à regarder la télévision chez un voisin jugé trop excentrique. Un soir, les jeunes Minaru et Isamu pressent leurs parents pour avoir leur propre poste de télévision, en vain : l’aîné se met alors en colère face à l’hypocrisie des adultes et décide de faire une « grève de la parole », aussitôt suivi par son jeune frère…
Critique : Second long métrage en couleurs de Ozu, Bonjour reprend la trame de Gosses de Tokyo (1932), dans lequel le réalisateur relatait déjà les déboires de deux enfants entamant une grève de la parole. Le ton est ici plus léger, tant cette situation est évoquée en mode fantaisiste. Le scénario peut laisser croire qu’un simple court-métrage aurait pu raconter le chantage affectif exercé par les deux enfants et s’il est vrai que la trame narrative est ténue, ces quatre-vingt-dix minutes n’en demeurent pas moins savoureuses et le film déploie un réel charme. Ozu reste fidèle à lui-même dans sa description des microcosmes familiaux et communautaires et son analyse des mutations de la société nipponne. Représentative de la classe moyenne à l’heure du « miracle japonais », la famille Hayashi est l’archétype des groupes traditionnels : un père exerçant une activité professionnelle, une mère heureuse dans son foyer mais intégrée dans une vie associative de quartier, et des enfants faussement rebelles, brillants sur le plan scolaire et obnubilés par la société de consommation représentée ici par un téléviseur.
- © 1959 / 2013 Shochiku Co., Ltd.
Les parents, malgré leur méfiance envers ce produit, n’hésitent pourtant pas à équiper leur logement en divers biens électroménagers, l’achat d’un lave-linge étant l’occasion d’un comportement d’imitation du voisinage, au-delà de l’utilité de la machine. Ce conformisme consumériste reflète pourtant un individualisme croissant, qui pourrait menacer les relations familiales et sociales. Et là, la tonalité du film se fait plus mélancolique et sombre, quand les deux gosses passent de la farce potache à l’entêtement inquiétant, ou lorsque la discorde familiale a des répercussions sur les voisins : Ozu n’est pas tendre avec Kikue Haraguchi, matrone autoritaire et jalouse, n’hésitant pas à s’en prendre à sa mère sénile pour garder un semblant de considération. Mais tout compte fait, les solidarités traditionnelles, bien que menacées, permettront de réparer les fissures relationnelles de ce petit monde.
- © 1959 / 2013 Shochiku Co., Ltd.
Les personnages du professeur d’anglais ou de la jeune tante sont ici des figures de bienveillance qui tireront vers le haut les autres protagonistes, mais le réalisateur se refuse à tout procédé sentimentaliste ou recours à la mièvrerie. En ce sens, il retrouve l’inspiration de Voyage à Tokyo (1953) son chef-d’œuvre, même si l’on semble avoir affaire à un opus mineur. Sur le plan formel, Bonjour demeure représentatif de l’art de Ozu : la caméra est souvent fixe, mais cela ne débouche pas sur un statisme, la profusion des dialogues (malgré le mutisme des enfants) et la mobilité des personnages au sein du cadre suffisant à engendrer une dynamique. Et l’on a toujours plaisir à retrouver les fidèles interprètes du réalisateur, dont le vétéran Chishū Ryū. Œuvre méconnue dans la filmographie de Ozu, Bonjour, longtemps nvisible en Occident (davantage que les autres métrages du maître), avait bénéficié d’une sortie dans les salles françaises en 1994. Il est présenté en 2020 dans une version restaurée 2K inédite à l’occasion de la Rétrospective Yasujirō Ozu en dix films proposée par l’éditeur et distributeur Carlotta.
- Affiche Reprise Carlotta 2014 - © 1959 / 2013 Shochiku Co., Ltd.
- Affiche reprise 2018 - © 1959 / 2013 Shochiku Co., Ltd.
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