Les temps qui changent
Le 14 juin 2024
Un couple âgé rend visite à ses enfants et constate que les liens familiaux se sont distendus. L’art d’Ozu à son apogée pour une œuvre subtile, universelle et poignante.
- Réalisateur : Yasujirō Ozu
- Acteurs : Chishū Ryū, Setsuko Hara, Chieko Higashiyama, Sō Yamamura, Eijirō Tōno, Kuniko Miyake, Kyōko Kagawa, Haruko Sugimura, Nobuo Nakamura
- Genre : Drame, Noir et blanc
- Nationalité : Japonais
- Distributeur : Carlotta Films
- Durée : 2h15mn
- Reprise: 1er août 2018
- Titre original : Tokyo monogatari
- Date de sortie : 1er février 1978
- Festival : Les 15 ans de la MCJP
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– Année de production 1953
Résumé : Un couple de personnes âgées rend visite à ses enfants à Tokyo. D’abord reçus avec les égards qui leur sont dus, ils deviennent bientôt dérangeants dans leur vie quotidienne.
Critique : Voyage à Tokyo est unanimement ou presque reconnu comme l’un des chefs-d’œuvre d’Ozu, un film parfait. À le (re)voir, on comprend pourquoi. À travers une histoire des plus ténues, un refus de la narration complexe et chargée (l’une des constantes de son œuvre), le grand cinéaste nippon touche au cœur.
Un couple âgé quitte la province où il vieillit paisiblement pour rendre visite à ses enfants, installés à Tokyo. Éprouvés par la vie (ils ont perdu un fils à la guerre), ces parents savent se montrer discrets mais se heurtent pourtant peu à peu au rejet de leurs fils et fille, occupés par des activités plus ou moins importantes. Seule leur belle-fille, veuve qui ne souhaite pas se remarier, leur manifeste douceur et compréhension.
C’est avec une infinie délicatesse que subrepticement, par petites touches, sur la longueur, le cinéaste fait progresser son récit. Son style, si personnel et calme, essentiellement basé sur des plans fixes à hauteur d’humains assis, apparemment immobiles (on bouge quand même, assis, et ici, chaque geste compte) fait mouche. Les quelques "coups d’éclat" du récit (la voix désagréable de la fille, l’ivresse du père, les larmes de la mère) ou stylistique (un travelling) n’en prennent que plus de relief ; ils suggèrent finement que la vie n’a rien d’un long fleuve tranquille. Et plan par plan, l’inexorable se profile : le délitement des rapports familiaux dans un Japon en voie de modernisation, l’éloignement, la vieillesse, la mort. Sans aigreur mais avec acuité, Ozu reconstitue la triste réalité, celle du temps qui passe et des liens qui se distendent. Admirablement construit, désarmant de simplicité (en apparence seulement), profondément humain, Voyage à Tokyo est une œuvre poignante et universelle, durablement bouleversante.
LE DVD
Le(s) supplément(s) à ne pas manquer : Un petit documentaire intitulé Voyage dans le cinéma : Voyage à Tokyo, tiré d’une série dont le volume 2 du coffret Ozu propose deux épisodes supplémentaires, offre une visite des lieux de tournage du film, ainsi que quelques anecdotes. Pas déplaisant, mais on lui préférera Récit de Tokyo, lecture d’un texte de Kiju Yoshida tiré de son travail sur Ozu ainsi qu’une éclairante analyse du film proposée par Paul Jobin, Kazuhiko Yatabe et Charles Tesson.
Image & son : Le master a bénéficié d’une restauration, qui permet le visionnage du film dans d’excellentes conditions.
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