Illusions perdues
Le 18 juin 2013
Sortie en salles, à l’occasion du 110e anniversaire d’Ozu, de son premier film parlant, inédit en France jusqu’à présent. L’audace tranquille de ce bouleversant chef d’oeuvre ne cesse de surprendre.
- Réalisateur : Yasujirō Ozu
- Acteurs : Chishū Ryū, Chōko Iida, Shin’ichi Himori, Tomio Aoki (Tokkan Kozō), Yoshiko Tsubouchi
- Genre : Mélodrame
- Nationalité : Japonais
- Durée : 1h23mn
- Titre original : Hitori musuko - ひとり息子
- Date de sortie : 19 juin 2013
- Plus d'informations : http://www.carlottavod.com/film-743...
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– Sortie au Japon : 15 septembre 1936
– Sortie France : 19 juin 2013
Sortie en salles, à l’occasion du 110e anniversaire d’Ozu, de son premier film parlant, inédit en France jusqu’à présent. L’audace tranquille de ce bouleversant chef d’oeuvre ne cesse de surprendre.
L’argument : À Shinshu, petit village de montagne au centre du Japon, une fileuse de soie élève seule son fils Ryosuke. Bon élève, celui-ci est en âge d’aller au lycée mais la mère s’y oppose car les études sont trop coûteuses. Elle finit néanmoins par accepter, faisant le choix de tout sacrifier pour l’éducation de son fils. Treize années plus tard, Ryosuke s’est installé à Tokyo et sa mère lui rend visite pour la première fois. Malgré les efforts de son fils pour l’accueillir, celle-ci découvre qu’il vit dans une situation précaire, déçu par les promesses de la grande ville…
Notre avis : Le premier film parlant d’Ozu n’est pas très bavard et le silence y prend même une importance toute particulière que les films précédents ne pouvaient que suggérer. Le langage filmique bien à lui que le cinéaste avait développé en dix ans de carrière (et trente-quatre titres) n’est en effet pas remis en question par l’arrivée du son mais celui-ci y ajoute une dimension supplémentaire, creusant les extraordinaires plans d’oreillers qui abondent ici au point de prendre parfois le pas sur l’intrigue et leur conférant une résonance accrue. Mais c’est aussi la prodigieuse photo de Shôjirô Sugimoto, dont l’usure du temps n’a pas altéré la qualité d’incandescence, qui donne aux objets, aux intérieurs, aux paysages urbains, une présence vivante à la fois apaisée et troublante.
- Hitori musuko / Le fils unique (Ozu 1936)
Ce sont ces plans soi-disant vides, de pure contemplation, qui permettent de desserrer les rouages du drame et donnent à l’ensemble sa respiration, remettant à sa juste place le récit dont la dimension mélodramatique peut être désormais assumée sans craindre les pièges du trop près (le spectateur pris en otage par une mécanique trop bien huilée) ni du trop loin (la stylisation, très poussée, vise et parvient à l’émotion immédiate).
Bien entendu, le comique occupe encore une fois, comme toujours chez Ozu, une place non négligeable, notamment grâce à la présence de l’incontournable Tokkan Kozo, alias Tomio Aoki, désormais au seuil de l’adolescence. Mais il n’a, pas plus que les larmes, la mission de consoler, tout au plus de relativiser, des désillusions de la vie. Celles-ci sont exprimées sans détours (scène très dure où la mère insomniaque, provoquée par son fils, exprime sans retenue sa déception) et malgré la douceur qui règne de bout en bout c’est une vision certes apaisée mais non réconciliée de l’existence qui s’exprime ici.
- Hitori musuko / Le fils unique (Ozu 1936)
Plus que l’amertume c’est une forme d’étonnement incrédule qui se lit dans les regards, bien plus importants que les discours. C’est particulièrement frappant dans la scène étonnante du cinéma où le fils emmène sa mère voir un film sonore (en allemand non sous-titré !) et au cours de laquelle c’est tantôt la mère pensive qui observe son fils absorbé par la projection, tantôt lui qui regarde sa mère endormie.
Le film projeté est Leise flehen meine Lieder (1933, avec Martha Eggert). Ozu en intègre dans son montage des extraits assez conséquents qui sont comme un corps étranger dans son propre film, le ton hyper-lyrique qu’adopte le réalisateur Willi Forst dans cette biographie musicale (très romancée) de Schubert faisant ressortir par contraste celui plus retenu mais non moins fort des séquences environnantes.
- Hitori musuko / Le fils unique (Ozu 1936)
Ce collage périlleux mais qui passe parfaitement n’est qu’une des tranquilles audaces d’un cinéaste aux parti-pris de mise en scène tranchés mais arrivé déjà à une telle maîtrise de ses moyens qu’il peut faire passer cette violence formelle pour le plus parfait classicisme.
- Le fils unique (Ozu 1936)
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