Le 22 janvier 2025
Ce petit film d’action en altitude vaut moins pour son aventure pas déplaisante mais bien vite oubliée que comme témoignage de ce que peut produire esthétiquement l’ambiante réactionnite chronique appliquée au cinéma américain.
- Réalisateur : Mel Gibson
- Acteurs : Mark Wahlberg, Topher Grace, Michelle Dockery, Monib Abha
- Genre : Action
- Nationalité : Américain
- Distributeur : Metropolitan FilmExport
- Durée : 1h30mn
- Titre original : Flight Risk
- Date de sortie : 22 janvier 2025
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Résumé : L’US Marshals Madelyn Harris est chargée d’escorter Winston, criminel et informateur, qui va témoigner contre un parrain de la mafia. Pendant leur voyage en avion, elle se méfie rapidement du pilote, Daryl Booth, qui ne semble pas être l’homme qu’il prétend...
Critique : Où en sommes-nous de Mel Gibson ? C’est peu dire que l’acteur americano-australo-irlandais a eu plusieurs vies, plusieurs carrières. Comédien dans des Sagas à succès grand public (L’arme fatale) ou plus trash (Mad Max), sex-symbol de comédies romantiques (Ce que veulent les femmes), incarnation de la figure tutélaire américaine (Le Patriote) et même réalisateur dès ses débuts auréolé d’Oscars (Braveheart) : c’est peu dire que tout ne plaît pas dans les choix du désormais acteur/réalisateur/scénariste/producteur, mais sa versatilité, parfois forcée par les disgrâces publiques que l’ont connaît et les coups de forces nécessaires à son come-back, façonnent l’intérêt pour le personnage. Au passage pour qui ne l’a pas vu : Traîné sur le bitume de S. Craig Zahler, dans lequel il incarne le rôle principal, est un des plus grands polars/thrillers des vingt dernières années.
- © 2025 Metropolitan Filmexport. Tous droits réservés.
À voir Vol à haut risque, c’est sous des atours modestes que Gibson semble nous revenir. Le budget du long métrage est visiblement mince pour un production américaine menée par de si grosses stars (Gibson et Wahlberg) – la moyenne de films dans ce genre se situe autour de 65 millions de dollars, IMDB estime celui de Vol à haut risque autour de 25 millions. Les premières images apparaissent en être un témoignage patent : le cerf modélisé en CGI qui surprend Winston à sa fenêtre en Alaska semble tout droit sorti d’un jeu PS3 (preuve à relativiser : les animaux du Marvel Kraven the Hunter étaient aussi tocs, alors que l’ours dans le Jura du dernier film de Dubosc, qu’on imagine difficilement aussi bien financé qu’une superproduction américaine, était tout à fait crédible). Le budget n’est pas seul à afficher une modestie de circonstance : l’argument, qui tient sur un timbre-poste et au MacGuffin assumé, vise surtout à enfermer dans un huis clos à 30 000 pieds de hauteur ses trois personnages pendant 1h20.
Si cette modestie de circonstance rend un peu cheap les séquences d’action à grande échelle – toutes celles qui concernent l’avion, de ses vols planés au-dessus des montagnes d’Alaska jusqu’à son crash final sur un tarmac – elle a le mérite de resserrer les enjeux à hauteur d’humains – l’essentiel du film se jouant dans l’étroit cockpit où s’entassent les trois protagonistes. Une mécanique ludique à l’ancienne se met alors en branle, le suspense et l’action s’articulant autour de cet espace confiné, d’effets pratiques et du peu d’accessoires se trouvant dans l’entourage proche des personnages. À cette chorégraphie des corps (bastons, entraves et tentatives pour s’en libérer, lutte contre la gravité mouvante du monomoteur) s’ajoute celle des paroles. Si un premier jeu de faux-semblants prend assez vite fin lorsque le méchant révèle son identité, un second le remplace par l’intermédiaire d’un téléphone – on pense alors un peu à The Guilty et son solide suspense reposant uniquement sur des conversations téléphoniques.
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Pourtant, l’exécution n’est pas toujours à la hauteur de cette jolie promesse. Ce qui aurait pu être une contre-proposition bienvenue à l’hégémonie marvellienne (et son gigantisme constant, écrasant tout enjeu d’action) ressemble surtout à une exacerbation nostalgique et un peu maladroite de l’actioner « à l’ancienne ». On se souvient alors que la dernière itération de l’hydre Gibson prend la forme d’un visage qui ne se cache aujourd’hui guère aux US (réélection de Trump en tête) : l’anti-wokisme tendance prosélytisme chrétien. Si la nouvelle, récemment diffusée sur les réseaux, de l’ouverture par Gibson d’un studio de production de films à la charte anti-woke assumée est une fake news, la blague ne part pas de nulle part. Nombre sont ses prises de positions publiques allant dans ce sens et ses récentes activités en tant que réalisateur et surtout producteur parlent d’elles-mêmes : l’année dernière, Sound of Freedom avait été financé grâce à Angel Studios, compagnie promouvant des films à destination du public chrétien au prosélytisme assumé et soutenu par l’association QAnon, mouvement conspirationniste d’extrême droite ; le documentaire d’Arte, Godlywood, narrant la montée de l’industrie de films de propagande chrétienne aux États-Unis, date de 2004, et de la sortie à succès du film de Gibson La Passion du Christ, la volonté de prendre d’assaut les salles obscures pour y prêcher la bonne parole.
Entre un film de guerre qui exaltait sans se cacher les valeurs chrétiennes de son personnage principal (Tu ne tueras point) et, à venir, une adaptation littérale du nouveau testament (La Passion du Christ : Résurrection), Vol à haut risque se lit finalement moins comme une parenthèse entre deux projets ouvertement prosélytes que comme une affirmation de ce qu’est avant tout « l’anti-wokisme » : une nostalgie rageuse créatrice d’œuvres déjà démodées. Ainsi, de de l’antagoniste ultra-caricatural jurant comme ado ayant découvert la veille de nouveaux gros mots, à la majorité des confrontations physiques un peu molles, en passant par le suspense téléphoné de l’intrigue téléphonique, le cinéaste se borne à réciter ses classiques sans déplaire mais sans brio. Plus encore, la jouissance assumée du cinéaste face la logorrhée hétéro-beauf de Wahlberg et les postures viriles de Michelle Dockery sont bien moins agaçantes politiquement (on ne juge pas une œuvre par son bout moral – et de toute façon le film est trop inoffensif pour qu’on s’en formalise) qu’esthétiquement : le mot définissant le mieux la facture globale du film est « ringard ». Observée avec cette grille de lecture, on se demande si la diète budgétaire du film ne serait pas la rançon d’un militantisme droitier pas vraiment en accord avec la political correctness tendance pink washing et démagogique promue par Disney et autres gros studios américains ?
In fine, ce petit film d’action en altitude vaut moins pour son aventure pas déplaisante mais bien vite oubliée que comme témoignage de ce que peut produire esthétiquement l’ambiante réactionnite chronique appliquée au cinéma américain.
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