Le 19 août 2019
- Scénariste : Alan Moore>
- Dessinateurs : Joe Bennett, Rick Veitch
- Coloriste : Alex Ross
- Genre : Super héros
- Famille : Comics
- Date de sortie : 23 septembre 2003
En reprenant un vieux héros oublié, Alan Moore, dans une nouvelle entreprise titanesque, envisage une histoire parallèle imaginaire de la bande dessinée.
Étonnante production que ce Suprême d’Alan Moore, que publient intégralement les éditions Delcourt. Au commencement, comme il a pu le faire jadis avec Swamp thing, le mythe de Newcastle s’approprie Suprême, un obscur personnage de comics américain. C’est le début d’une grande entreprise : inventer un passé à ce personnage. On trouve alors un prétexte scénaristique : perdu depuis trente ans dans les limbes des mondes parallèles, Suprême, clone kitsch de Superman, a tout oublié. On redécouvre en même temps que lui sa vie, son environnement, son histoire. Son Superchien, sa Supercopine, ses Superamis, sa Supercité dorée cachée au-dessus de la ville. Ses Superennemis de toujours. Et puis ses Superpouvoirs, ses Superproblèmesdomestiques, son Superboulot dans le civil, sa Superenvie de se taper sa collègue.
On a d’abord le sentiment qu’avec Suprême, Moore s’éloigne de ses préoccupations habituelles pour céder aux grotesqueries du plus mauvais mainstream. Mais c’est trop simple. On sait bien que le Superadulé est plus proche de Kubrick que de Pecas, non ? Alors elle est où, l’embrouille ? Et puis, doucement, ça vient. 324 pages, et pratiquement aucune de ces grandes bagarres bien viriles qui nous ragaillardissent, nous, grands freluquets Superpuissants dans l’âme. On est dans un comics de super-héros ou quoi ? Il est où mon quota de baston ? Et pourquoi y a une grand-mère dans l’histoire ? Et c’est quoi cette histoire de désir refoulé avec la collègue ? On se met à douter de la viabilité de la Supervigueur supposée. Le grotesque du départ glisse progressivement vers le cynisme.
C’est qu’on commence à bien le connaître, monsieur Moore. Il est de la première génération de bédéphiles, donc nourri au sein de Superman. Mais en grandissant, le super-héros patriotique a commencé à l’ennuyer. Pire, à le mettre mal à l’aise, par certains côtés un peu nauséabonds. Et c’est alors qu’il est entré en scène. Avec l’extraordinaire Watchmen, il a effacé les modèles, pour faire de ses propres personnages fantastiques des dépressifs chroniques, des has-been, des symboles sociaux (les super-héros sont des minorités) ou idéologiques (d’individualisme, ou de totalitarisme). Et le comics a rejoint son époque.
Suprême, c’est une autre option. Une autre méthode d’effacement. Presque plus ambitieuse. Moore voudrait réécrire l’histoire du comics. Comme si une alternative à Superman avait toujours existé. Son grand chantier, c’est donc le temps de la bande dessinée. Il reprend ainsi l’histoire de son esthétique. Il mixe le style néo-pompier rutilant du comics moderne (par Joe Bennett) au trait fragile version Stan Lee sur papier jauni (par Rick Veitch). On n’y croit pas, mais on doute. Ce vieux souvenir de héros n’a-t-il jamais été un magazine à cinq cents dans un petit kiosque du Middlewest au début des sixties ? Suprême, c’est finalement le maquillage d’une chronologie avec un pinceau-sablier. D’ici à ce que le terme "comics" devienne synonyme de "Moore"...
324 pages
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