Le 26 juillet 2021
Qui n’a pas encore succombé aux charmes de Julie et au spleen langoureux de Bernard Sambre, héritier d’une famille meurtrie par la folie et le suicide d’un père visionnaire ? Avec le Paris survolté de 1848 comme toile de fond, Yslaire nous a conté une des plus belles histoires d’amour de la bande dessinée.
Hugo Sambre vient de mourir. Dans le cimetière où ils enterrent leur père, Bernard Sambre et sa grande sœur Sarah maudissent la malédiction qui semble peser sur leur famille. Sarah était très proche de son père ; contrariée par la légèreté de sa veuve de mère qui convole avec le premier venu, elle n’a de cesse de louer la grandeur de l’œuvre inachevée de son patriarche, celle dans laquelle est annoncée la vengeance prochaine de la race des hommes aux yeux rouges pratiquement disparue de la surface de la terre. Moins sensible aux élucubrations de son père, Bernard tombe sous le charme d’une jeune fille venue de la ville, Julie, une beauté aux yeux... rouges sang ! La nuit même de l’enterrement, elle lui donne rendez-vous dans le caveau de son père. De leur étreinte blasphématoire naît un amour immodéré, presque surnaturel. Pendant ce temps à Paris, la fièvre monte, les drapeaux rouges s’agitent...
Ainsi débutait en 1986 Plus ne m’est rien, le premier tome de Sambre, série d’exception à tout point de vue. Véritable triomphe éditorial dès ce premier épisode (qui dépassa immédiatement les cent mille exemplaires), la série n’a cessé depuis de gagner en réputation et cela, malgré le long laps de temps qui s’est écoulé entre chaque album (trois à cinq ans), situation quasi unique dans le monde de la bande dessinée (à l’exception de Bilal, peu d’auteurs ont pu se permettre une telle coquetterie). Yslaire est un orfèvre, le succès de la série lui a permis d’accentuer son caractère maniaque, son sens presque maladif de la perfection, pour le malheur et le bonheur des lecteurs, car, bien qu’attendu des années, chaque album est une merveille d’émotion et un modèle d’intransigeance.
Le destin de la série est un moment presque aussi tumultueux que celui de ses personnages : l’étrange destin amoureux de Bernard Sambre et de Julie débute en fait sous la plume complice d’un certain Balac, pseudonyme sous lequel se cache Yann, mais, dès le deuxième album, scénariste et dessinateur entre en désaccord sur le destin de la série. Après un procès, Yslaire continue seul, accentuant le caractère échevelé et romantique de l’intrigue. Libéré, il peut donner le meilleur de lui-même et élaborer une œuvre pétrie d’allégories et de symboles forts, une tragédie d’une puissance narrative, visuelle et émotionnelle rare.
Difficile de ranger Sambre dans un genre particulier, car loin de se cantonner au registre historique, Yslaire a élaboré une intrigue amoureuse aux relents fantastiques, dans laquelle sévit une étrange mythologie basée sur la couleur des yeux, théorie aussi fantasque que poétique. Sambre n’appartient pas à une époque, c’est une tragédie intemporelle dans laquelle les multiples thèmes, l’amour, la mort, la liberté, sont traités par un réseau de motifs et de figures visuelles riches de sens. Les cases d’Yslaire dépassent toujours leur statut figuratif et narratif pour pénétrer dans cet au-delà des images, celui où chacune d’elles participe de l’imaginaire collectif, cet inconscient visuel dont ont parlé tant d’exégètes de l’art occidental.
8 tomes parus.
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