Le chant de l’alouette
Le 11 octobre 2010
Adapté d’un roman de Tanizaki, cette terrible histoire d’amour non dit et de sacrifice est traitée avec une infinie délicatesse par Yasujirô Shimazu et superbement interprétée par l’immense Kinuyo Tanaka.
- Réalisateur : Yasujirô Shimazu
- Acteurs : Tatsuo Saitō, Kinuyo Tanaka, Sanae Takasugi, Nagatoshi Sakamoto, Chōko Iida, Kôkichi Takada, Takeshi Sakamoto, Reikichi Kawamura, Yoshiko Tsubouchi, Hideo Fujino, Ayako Katsuragi, Sachiko Murase
- Genre : Drame
- Nationalité : Japonais
- Durée : 1h40mn
- Titre original : 春琴抄 お琴と佐助 - Shunkinshô okoto to sasuke
- Plus d'informations : http://www.mcjp.fr/francais/cinema/...
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– Assistants réalisateurs : Shirô Toyoda et Kôzaburô Yoshimura
Adapté d’un roman de Tanizaki, cette terrible histoire d’amour non dit et de sacrifice est traitée avec une infinie délicatesse par Yasujirô Shimazu et superbement interprétée par l’immense Kinuyo Tanaka.
L’argument : Okoto, joueuse de luth aveugle à la beauté fascinante, refuse les avances d’un prétendant. Pour se venger, ce dernier lui jette de l’huile bouillante au visage. Sasuke, le servant fidèle et secrètement amoureux d’Otoko, décide de se crever les yeux, ne supportant plus la vue de son visage défiguré. D’après le roman de Jun.ichirô Tanizaki Notes sur la vie de Shunkin (1933).
Notre avis : L’histoire d’Okoto et Sasuke, tirée d’un roman de Tanizaki, est cruelle et intensément dramatique. Pourtant, dans l’adaptation qu’en fait Yasujirô Shimazu en 1935, le drame est longtemps tenu à l’écart pour n’éclater vraiment que vers la fin du film.
Les stratagèmes du riche oisif cherchant à séduire Okoto donnent même lieu à de purs effets de comédie. Le choix de Tasuo Saito pour interpréter ce personnage (associé à celui du populaire Takeshi Sakamoto dans le rôle de son acolyte) lui assurant même un crédit de sympathie qu’il n’épuisera que lorsque, repoussé et blessé au visage par la jeune femme, il décidera de se venger de la plus odieuse manière.
Mais c’est surtout le merveilleux art de l’observation de Shimazu qui enchante une fois de plus au fil des scènes auxquelles des notations précises, amusées ou poétiques, donnent vie et couleurs sans que jamais la musique ou les dialogues ne viennent forcer le sens ou imposer une émotion : les commentaires des servantes lorsque Okoto s’emporte, au cours des leçons de shamisen, contre son élève Sasuke en le traitant d’idiot (Au moins, pendant ce temps elle nous laisse tranquilles) ; la pluie soudaine que les personnages, en pleine conversation, semblent d’abord ne pas remarquer ; le chant des alouettes que la caméra accompagne dans leur ascension. Tout cela existe à l’écran bien au delà et indépendamment de l’histoire racontée.
Car la tension dramatique n’est pas le souci majeur de Shimazu et il laisse volontiers dans l’ombre certains éléments de l’intrigue (personne ne semble excessivement préoccupé de savoir qui peut bien être le père de l’enfant d’Okoto). Les péripéties de l’action (le père furieux qui vient demander des comptes après qu’Okoto ait frappé sa fille avec son plectre) sont une suite d’épisodes sans lien réel et on ne saurait d’ailleurs dire précisément sur combien d’années s’étend le récit.
Il est vrai que si l’aveugle et son serviteur dévoué, prêt à tout endurer pour elle, connaissent des moments de communion dans la musique, leur étrange relation reste longtemps stable et n’évoluera que lorsque éclatera le drame longtemps pressenti.
Lors de la grande réception organisée par le soupirant obstiné, la caméra parviendra à nous faire sentir presque physiquement l’avancée périlleuse du couple se soutenant mutuellement au milieu de l’agitation hostile de la fête et des regards inquisiteurs ou malveillants des autres invités.
La séquence finale où la jeune femme, émue du sacrifice de son serviteur dévoué, lui avoue enfin son amour (peu importe le regard des autres, c’est lui, et lui seul, qui ne devait pas voir son visage défiguré) est bouleversante, car traitée sans emphase inutile.
Plus belle encore, quelques plans plus tôt, une scène étonnante nous les aura montrés, sur une terrasse surplombant toute la ville, écoutant le chant des oiseaux et échangeant d’apparentes banalités chargées de confidences non dites. C’est dans un moment comme celui-ci que se révèle la vraie mesure de Shimazu, cinéaste majeur dont Okoto et Sasuke est un des chefs-d’oeuvre.
Kinuyo Tanaka, immense actrice, dont la prodigieuse filmographie n’a aucun équivalent, même lointain, dans le cinéma mondial, se révèle une fois de plus sublime. Son jeu stylisé (yeux fermés, gestuelle précise) donne un relief inoubliable au personnage de la musicienne aveugle, belle et intraitable, mais acceptant finalement de s’ouvrir à l’amour. Son partenaire, Kôkichi Takada, parvient lui aussi à rendre très touchante la douce détermination d’un Sasuke éperdu d’admiration et d’amour pour son inaccessible maîtresse.
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