L’herbe repoussera
Le 13 octobre 2010
Entre comédie familiale et drame social, ce très beau film, léger et grave à la fois, est une oeuvre majeure de Yasujirô Shimazu, cinéaste méconnu auquel la MCJP consacre une rétrospective jusqu’au 16 octobre 2010.
- Réalisateur : Yasujirô Shimazu
- Acteurs : Chishū Ryū, Ken Uehara, Kuniko Miyake, Michiko Kuwano, Shin Saburi
- Genre : Comédie dramatique
- Nationalité : Japonais
- Festival : Les 15 ans de la MCJP
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– Durée : 1h40mn
– Titre original :
兄とその妹 - ani to sono imôto
Entre comédie familiale et drame social, ce très beau film, léger et grave à la fois, est une oeuvre majeure de Yasujirô Shimazu, cinéaste méconnu auquel la MCJP consacre une rétrospective jusqu’au 16 octobre 2010.
L’argument : Fumiko rejette les avances de mariage d’un collègue de bureau qui n’est autre que le neveu du PDG de la société où travaille son frère Keisuke. Le prétendant demande à son oncle d’intercéder en sa faveur auprès de Keisuke. Ce dernier est embarrassé car il craint pour sa promotion.
Notre avis : C’est en 1939, à la fin de son contrat avec la Shôchiku, que Yasujirô Shimazu tourne Un frère et sa petite sœur, oeuvrant une fois de plus dans son genre de prédilection : le shôshimingeki, description de la vie familiale et professionnelle des classes moyennes.
Il y retrouve plusieurs des interprètes des Trois prétendants, mais le registre adopté cette fois-ci est différent, nettement plus réaliste et plus grave.
Le plan d’ouverture semble même annoncer un drame : bruit obsédant des pas résonnant sur le trottoir lorsque Keisuke (Shin Saburi, magnifique d’autorité tranquille et néanmoins fragile) rentre chez lui de nuit après une partie de go chez son patron. Cette impression sera démentie, tout de suite après, par les scènes de chamaillerie entre frère et soeur, traitées sur le ton de la comédie.
Et c’est sur ce mode léger, dans la veine du merveilleux Yaé, notre petite voisine, que le film se maintiendra le plus souvent : fête d’anniversaire, rappelant celles vues souvent chez Ozu, entres anciennes copines de classe qui s’asticotent avant d’entonner en choeur une chanson populaire allemande ; ton enjoué des conversations entre la soeur dactylo (sur clavier occidental), interprétée avec beaucoup de vivacité par Michiko Kuwano, et son patron ; marivaudage avec son prétendant, jeune trader à lunettes que Ken Uehara, à contre-emploi, s’amuse à rendre légèrement ridicule.
On sera surtout sensible aux superbes, mais discrets, mouvements de caméra qui captent, avec une attention extrême, les gestes de la vie quotidienne dans la maison familiale : manger, allumer ou éteindre la radio, faire la cuisine ou le ménage. On notera d’ailleurs que Keisuke qui, en bon mari japonais, laisse sa femme ramasser les vêtements qu’il jette par terre en se changeant, n’hésite pas, par contre, à passer la serpillère.
La maison est évidemment le domaine de l’épouse, toujours posée, apparemment en retrait, parlant peu et n’élevant jamais la voix (elle est d’ailleurs enrhumée pendant une partie du film), mais à laquelle Kuniko Miyake confère une forte présence d’observatrice attentive.
Si une certaine sérénité règne dans l’univers domestique, le monde extérieur demande une sacrée force de résistance : Fumiko se fait bousculer sans ménagement dans l’autobus et les collègues de travail de Keisuke, jaloux de son succès, intriguent contre lui, finissant par le pousser à bout.
Le moment où cet employé modèle, jusque là toujours exemplaire de patience et s’efforçant de servir de conciliateur, sort de ses gonds (pète les plombs) est d’une violence libératrice assez jubilatoire.
La séquence la plus belle est cependant celle de la randonnée en montagne. Dans ce cadre naturel immense, où on peut s’amuser à faire semblant de poser le Mont Fuji dans la paume de sa main, la décision de la soeur de ne pas donner suite à la demande en mariage sera prise sans discussions inutiles et immédiatement acceptée par tous.
La fin du film (un nouveau départ grâce à un ami deus ex machina joué par Chishu Ryu), prendra une coloration presque héroïque : l’herbe accrochée aux roues de l’avion repoussera en Mandchourie.
Un frère et sa petite sœur est assurément une réussite majeure de Shimazu et soutient aisément la comparaison avec les chefs d’oeuvre contemporains de Naruse (Toute la famille travaille) , Ozu (Les frères et soeurs Toda), Gosho ou Shimizu.
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