- La résilience dans une Amérique dystopique -
Le 16 mars 2020
- Titre original : Scribe
- Date de sortie : 3 janvier 2020
- Durée : 226 pages
- Titre original : Scribe
- Plus d'informations : Site des éditions Zulma
Dans une Amérique où une guerre a mené au « chacun pour soi », une femme, restée sur ses terres, possède la richesse des mots alors que la lecture et l’écriture n’existent plus. C’est par l’écriture qu’elle sortira du repli sur soi qui l’avait condamnée. Une œuvre dystopique et féministe qui dénonce l’oppression dans une fiction proche du conte.
Résumé : Sur les terres de Blackwater, une femme seule dans sa maison d’enfance a gagné le respect des Indésirables, vagabonds et autres combattants qui errent dans une Amérique dévastée par les fièvres et les pillages. Elle assure sa survie grâce à son talent désormais unique : celui de lire et écrire. Son quotidien est bouleversé lorsqu’Hendricks vient lui demander d’écrire en son nom une lettre de pardon.
Critique : L’écriture épurée, sans fioritures, fonctionne dès les premières pages. Nous voilà transportés hors du temps, dans une Amérique où la survie s’organise. Si l’idée n’est pas originale (épidémie dévastatrice suivie d’une guerre), en revanche, le traitement est tout à fait singulier. Le choix de la narration n’est pas celui de l’action. Là où d’autres récits mettent l’accent sur l’organisation de la vie dans un environnement dévasté, Alison Hagy place l’état émotionnel de ses personnages au cœur du récit, concentré sur les conséquences d’une rencontre.
Le livre s’ouvre sur cette rencontre avec Hendricks. Le vagabond vient lui demander ce qu’elle seule peut encore faire : écrire une lettre de pardon et la porter à son destinataire. Cette rencontre va bouleverser sa vie, dans une dimension insoupçonnable. A la différence des fictions dystopiques ordinaires, l’auteure ne détaille pas les conséquences sur la vie quotidienne d’une telle situation extraordinaire, mais elle livre une allégorie du monde actuel : les migrations, la place des femmes, la place des mots dans nos sociétés, la tentation du repli sur soi. Peu à peu, l’auteure nous dévoile les secrets du passé des uns et des autres, de ces deux personnages qui vont apprendre à évoluer ensemble. Pour arriver jusqu’au dévoilement, ils vont chacun affronter une série d’épreuves qu’ils étaient loin d’imaginer. Pour les accompagner, les mots, ceux d’une lettre qui résonne dans la mémoire ou dans le cœur, qui touchent les protagonistes, qui finalement, vont donner corps à ces mots. Cette dimension tout à fait poétique du récit n’est pas traduite par une écriture lyrique, mais bien par une construction de l’histoire fondée sur des mythes, empruntés par l’auteur, qui donne une autre dimension au livre.
De temps, de noms, de repères, il n’en est pas vraiment question, puisque l’histoire se veut hors du temps. La femme dont il est question n’a pas d’identité, elle est l’incarnation de la figure de « la femme », oppressée, vulnérable, mais aussi forte, valeureuse ou bienveillante. Elle devient dès lors, au-delà de sa féminité, l’incarnation de l’Humanité dans son ensemble, celle qui se construit grâce à la magie des mots. D’ailleurs, le livre commence par des cris, des aboiements de chiens et se termine par le silence, quand il n’y a plus rien à dire.
Malgré toutes ses qualités, le roman tombe parfois dans des archétypes : le propriétaire terrien avide, brutal et sanguinaire, une sœur docile et dévouée aux autres, l’accomplissement dans la maternité avec l’enfant-guide…Si ces personnages appuient le propos, il n’en demeure pas moins que la vision du monde devient alors rétrécie. Malgré cela, il s’agit d’un roman à lire pour entendre une voix de l’Amérique qui rend un formidable hommage à la création littéraire.
Auteur : Alyson Hagy
Traducteur : David Fauquemberg
La chronique vous a plu ? Achetez l'œuvre chez nos partenaires !
Galerie photos
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.