Le 13 décembre 2021
- Auteurs : Lydie Salvayre, Marie Richeux, Charles Bukowski
- Dessinateurs : Nicolas De Crécy, Fabcaro
Partage de la lecture et découvertes sont au cœur du magazine Le Cahier des Livres, dont le numéro deux est sorti le 26 novembre. L’occasion pour nous de nous entretenir avec l’une de ses fondatrices, Lucie Servin.
Lucie Servin, vous êtes journaliste depuis plusieurs années mais qu’est-ce qui vous a amenée à créer un magazine consacré au livre ?
Je suis pigiste depuis une quinzaine d’années dans les domaines culturels pour divers journaux (L’Humanité, Beaux-arts magazine, Les Cahiers de la BD....) . Les livres ont toujours fait partie de ma vie. J’ai grandi avec eux et je continue de le faire. Lorsque Carine Lorenzoni, pour qui j’anime par ailleurs la page "sélection de livres" dans son journal Rebelle Santé, m’a proposé de créer un nouveau magazine avec elle et la graphiste Jennifer Favorel, j’ai tout de suite accepté.
Dans l’idéal, nous aimerions que Le Cahier des Livres s’adresse à un maximum de gens. Nous voulions simplement partager le plaisir de lire. Il s’agit concrètement d’offrir à chaque numéro un voyage à travers les livres. Nous avons pensé notre ligne éditoriale comme on construit une bibliothèque. En cheminant d’un livre à l’autre, nous suivons le processus naturel et commun à chaque lecteur. De plus nous traitons de tous les genres littéraires : romans, BD, essais, poésie, livre jeunesse. Les livres se répondent et discutent entre eux, comme dans un club de rencontre. J’adore tirer des fils, imaginer des motifs pour chaque numéro, dérouler au fil des pages une pensée en formation.
Avec Le Cahier des Livres nous ne sommes pas dans une revue critique classique. Son identité principale est de créer des passerelles entre les ouvrages, d’établir une concordance.
Le Cahier des Livres n’obéit à aucune doctrine ni idéologie, même si, évidemment, nous défendons des valeurs humanistes. Finissons-en une bonne fois pour toutes avec le dogme du il faut lire. Aucun livre n’est essentiel et notre rôle n’est pas d’éduquer les lecteurs. Nous invitons simplement à entrevoir la grande aventure que peut être une lecture. On peut partir très loin ! Le Cahier des Livres est conçu sur le modèle d’une pensée dynamique, vivante. J’aime mettre à l’épreuve mes préjugés. Pour moi lire c’est la voix de quelqu’un d’autre qui parle en moi. Ça déstabilise les certitudes, excite la créativité. C’est ce plaisir de lire que je veux partager, une stimulation par l’inconnu, qui passe par des idées, par le regard, par le dire. J’ouvre les livres comme des fenêtres, pour créer des appels d’air, créer du désir.
Ensuite nous traitons évidemment de l’actualité littéraire. Le Cahier des Livres n’est pas un magazine déconnecté du réel. Nous avons peut-être le nez dans les livres, mais les pieds sur terre et une conscience du monde dans lequel nous vivons. La création contemporaine permet de mettre en perspective les livres entre eux, de jouer des échos dans les textes plus anciens et classiques. C’est à la fois inépuisable et vertigineux. Car il existera toujours mille chemins à tracer pour partir en exploration à travers les milliers de livres qui sortent par an. S’il est évident que personne ne peut tour lire, on n’est pas là non plus pour commenter l’offre éditoriale. Je crois en l’imagination pour garantir l’indépendance d’un journaliste. Au Cahier des Livres, nous recréons des mondes à partir de cette création.
Votre magazine, qui est trimestriel, ne comporte pas de publicité. Quel est votre modèle économique ?
Nous ne sommes pas hostiles en soi à la publicité, mais il faut qu’elle rapporte proportionnellement à la place qu’elle prend. Pour le modèle économique, très concrètement un numéro du Cahier des Livres coûte 25 000 euros, pour un tirage à 15 000 exemplaires. Le modèle économique est très simple, ce sont les ventes qui doivent payer le numéro. Nous serions facilement à l’équilibre si nous avions 4000 abonnés ou que nous vendions environ 8000 exemplaires par numéro. Nous en sommes loin et sincèrement la conjoncture n’est pas favorable. Les ventes de journaux baissent et le public se déporte majoritairement sur les offres gratuites sur internet. En proposant un magazine papier, nous sommes à contre-courant. Pourtant je suis certaine que ça pourrait marcher. C’est le pari de la qualité. Pour le moment nous accumulons des déficits qui forcément menacent la survie du projet. Peut-être que nous échouerons, mais au moins nous aurons essayé.
Le Cahier des Livres est aussi un très bel objet. Vous avez d’ailleurs fait le choix d’imprimer en France ? Combien d’exemplaires ?
La plupart des magazines sont imprimés en France pour des raisons logistiques évidentes. Nous avons un tirage à 15 000 exemplaires pour pouvoir répondre à une diffusion assez large. Dans le numéro 2, vous trouverez un reportage sur l’impression du numéro 1. Nous tenions également à faire un bel objet, avec un papier épais, un objet qu’on garde pour privilégier le plaisir et le confort de la lecture. Ce n’est pas une simple coquetterie. A l’heure où les pratiques numériques encouragent à cliquer sans cesse en ouvrant toujours plus de pages web, le papier offre l’avantage de rester concentré sur la page physique. L’espace clos est un bon support pour enclencher la réflexion. Rien n’empêche ensuite d’aller faire des recherches sur internet.
Vous disposez aussi d’un site internet, peut-on y trouver des sujets complémentaires consacrés au livre ?
Internet a eu pour conséquence de donner l’illusion que toute information est gratuite. Sans formule d’abonnements telles qu’elles se pratiquent pour certains journaux, il n’y a pas de modèle économique viable sur internet pour rémunérer les journalistes. Notre site héberge d’abord une boutique en ligne pour s’abonner et faire des réclamations. Dans l’idéal, nous espérons qu’il puisse aussi servir de base d’échanges à une communauté de lecteurs et de lectrices. Nous y proposons parfois des interviews bonus autour des livres que nous traitons. C’est le cas de celle réalisée avec Florence Dupré La Tour à l’occasion de la grande exposition présentée à Bordeaux en septembre dernier dans le cadre du Festival Gribouillis. Très prochainement, je publierai également un entretien de l’écrivain cubain Leonardo Padura, autour de son grand roman Poussière dans le vent, paru récemment aux éditions Métailié dont je parlais dans le premier numéro.
Qu’avez-vous évoqué dans le numéro deux qui est sorti le 26 novembre ?
Après un premier numéro construit autour du livre Rêver debout de Lydie Salvayre où nous avions repris à notre compte son appel donquichottesque à réveiller l’utopie et où nous avions rendu hommage à Baudelaire qui est un de ses « admirés ». (Le poète plane notamment dans « Marcher jusqu’au soir », un texte formidable où Salvayre soliloque en face à face au musée avec l’homme qui marche de Giacometti. Je vous conseille.) C’est avec Fabcaro que nous avons construit ce deuxième numéro, autour du rire, de l’absurde, de l’intime, de toutes ces stratégies pour esquiver ou faire face aux angoisses existentielles. Aller droit dans le mur est une sensation très actuelle ! Comme à chaque fois, le portrait renvoie à un dossier classique qui fait sens avec la personne choisie. En miroir de Fabcaro, nous proposons Bukowski. Le dessinateur nous a même fait un portrait de cet écrivain qui lui a donné l’envie d’écrire ! Au-delà du mythe, ça me tenait à cœur de montrer l’importance de Bukowski dans l’histoire de la littérature américaine mais aussi de revenir sur sa réception en France alors que toute sa poésie n’a pas encore été traduite. On trouvera également un portrait du traducteur Nicolas Richard réalisé par Laurent Boscq, lui aussi traducteur. On croisera Marie Richeux, Nicolas de Crécy, Beatrice Alemagna, Rebecca Dautremer…. Mais je ne vous dis pas tout...
Le Cahier des Livres
Un numéro 7,50€
Abonnement 4 numéros 25 euros
Galerie photos
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.