Critique
Le 21 octobre 2016
Lady Gaga croone et crâne dans un album délicat, souvent inspiré, en pleine contradiction avec les monstres d’excentricité et de surproduction qui avaient fait d’elle une personnalité ovniesque.
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Et si Gaga avait prétendu être ce qu’elle n’était pas ? Une freak, un personnage de conte horrifique pour horrifier les parents et émoustiller la jeunesse incapable de passer outre le fantasme gothique inhérent à l’adolescence. Gaga faiseuse de personnages mal lunés pour le bien-être de ses ventes ? Carrément. On ne lui reprochera. Elle ne serait pas la première. En revanche, l’hyperproduction des albums Born this way et Artpop avaient mis à mal les patiences au détriment de ventes forcément déclinantes. A vouloir montrer qu’elle était la meilleure dans son domaine, l’audacieuse s’était déchaînée dans la vacuité et l’hystérie qui aujourd’hui, après quelques flops, un retrait médiatique contraint, l’obligent à opérer un come-back plus humble (à peine) avec des chansons qui auront du mal à trouver des oreilles réceptives, mais qui pourtant ne déméritent pas.
Funky sur Dancin’in the circle, gaga-esque (et donc en mode bouillie) sur John Wayne, rockeuse de variété sur Perfect illusion, emphatique crooner sur Diamond Heart aux arrangements de bar light-metal très années 80, la chanteuse propose peu de mélodies qui s’apparentent à son ancien style. Les arrangements très folk (l’inutile cliché country A-Yo, qui officie en 2e single) pourraient, grâce à sa force vocale, toujours utilisée dans la démonstration, avec des sauts puissants qui souvent ne s’imposent pas, évoquer Chrissie Hynde et autres crooners d’un genre peu apprécié des Français. Sinner’s Prayer et surtout Come to Mama s’adonnent allègrement aux sonorités du grand répertoire américain et ne déplaisent pas.
Certains titres ne sont pas exempts de défauts et empêchent le projet d’être totalement abouti. Angel down est joliment produit, vraiment, mais difficilement audible dans sa ligne vocale et dans son débit de soupe religieuse, les chœurs de Grigrio Girls sont particulièrement affligeants, Just Another Day sonne comme un sous-standard des années 60 arrangé à la Elton John avec des effets plus contemporains. On en l’aurait pas inclus au tracklisting définitif.
Toutefois, c’est dans une poignée de ballades que la chanteuse trouve la rédemption. La somptueuse simplicité de Joanne, titre en hommage à une tante décédée injustement à l’âge de 19 ans, est pleine de lucidité. Le promo-single Million Reasons sait imposer l’émotion à un niveau sensible. Et Hey Girl en duo avec Florence Welch, est tout simplement superbe.
Sous ses apparentes épures, Joanne ne manque pas de noms pour donner du cachet à la pillule. La Gaga se fait produire par le tout-venant à la mode. De BloodPop, à Kevin Parker, en passant par Mark Ronson, et son collaborateur fétiche RedOne. Cela limite sûrement l’impression d’un album impulsif et vide-âme.
Ce désir d’authenticité n’est ni plus ni moins ce que la madone avait voulu que son album électro-acoustique American Life soit. Mais c’est surtout l’écho du viscéralement atavique Real de Belinda Carlisle (1995) qui vient immédiatement à l’esprit. Cette dernière, après la pop acidulée des années 80, avait fait un plongeon salvateur dans les mythes pop-folk américains pour un album cohérent qui reste aujourd’hui un standard.
Gaga poursuit la tradition des icônes pop qui se recherchent là où l’on vend moins, comme si le commerce était soudainement devenu sale et avilissant, trouvant dans l’écriture des années 70 la légitimité artistique à son existence. Bien lui en a pris. L’album, sans tube, est son plus homogène et sûrement le plus sincère.
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