Le 22 octobre 2019
- Réalisateurs : Jialing Zhang - Nanfu Wang
- Durée : 1h23min
- Date télé : 22 octobre 2019 20:50
- Chaîne : ARTE
Arte revient sur la politique de dénatalisation menée en Chine pendant plus d’une trentaine d’années, au prix d’atteintes majeures aux droits humains.
Notre avis : De l’instauration d’une politique de l’enfant unique, en 1979, à son abandon en 2015, trente-cinq ans de propagande au service d’une politique de dénatalisation, à coups d’amendes ou d’incitations économiques, déclinées en slogans sur des cartes à jouer, des calendriers, des affiches, les murs des villes... Le filtre autobiographique à travers lequel ces années de coercition sur fond de totalitarisme sont évoquées, permet de donner chair à ce que furent ces atteintes à la vie privée. Nanfu Wang, co-réalisatrice de ce documentaire édifiant, prolonge l’expérience de sa propre maternité par le souvenir de son enfance, dans un foyer où un petite frère naquit, cinq ans après elle. C’était la durée légale qui s’appliquait dans les campagnes du pays.
Le film revient sur les violences commises contre les couples qui refusaient la stérilisation forcée, sur les avortements forcés (notamment des foetus de huit ou neuf mois), les abandons des bébés de sexe féminin, le trafic de nouveaux-nés et leur vente à certains orphelinats, l’ouverture de l’adoption d’enfants à des familles étrangères, la confiscation de certains nourrissons par des fonctionnaires d’état, la difficile application du planning familial décrétée sur injonction gouvernementale par les chefs de villages, la propagande constamment martelée, de manière comminatoire ("au deuxième enfant, tu enfreins la loi"). La mémoire est douloureuse, pourtant remuée par Nanfu Wang. Sa volonté se heurte à l’agressivité et au mutisme de certains habitants de son village natal.
Les vidéos du pouvoir chinois, les récompenses offertes aux représentantes les plus zélées de cette entreprise liberticide, constituent des illustrations en tout point édifiantes. Certains des acteurs de cette époque n’expriment aucun regret, estimant avoir "fait du bon travail", d’autres témoignent de leur accablement à avoir obéi. Menant une "guerre démographique" comme n’importe quel combat, la Chine n’a pas lésiné sur toutes les violences pour la gagner, le régime se retournant contre son propre peuple. Le mépris de l’individu et de ses droits a justifié, au nom d’une idéologie, les exactions les plus infâmes. Peu à peu, affleure un conflit entre les générations, où paraissent béantes les fractures qui peuvent exister entre des Chinois nourris à la propagande et leurs enfants qui réclament un droit d’inventaire, repérant dans la nouvelle politique nataliste du pays une même volonté de prosélytisme, une même intrusion dans la vie privée de tout un chacun.
Le documentaire aborde aussi les différences de traitement qui discriminent les filles au profit des garçons, revient sur les maltraitances dont elles ont été l’objet et met en valeur une société intrinsèquement inégalitaire, patriarcale, qui continue à arracher des enfants à leur famille : le cas de deux sœurs jumelles, dont l’une a été soustraite à ses parents, élevée aux Etats-Unis, conclut ce film précis et particulièrement émouvant.
Au final, on ne peut que souscrire au parallélisme qui est fait entre les USA, où l’avortement est remis en cause et la Chine, où le contrôle des naissances a engendré tant de malheurs. Dans les deux cas, les femmes sont privées d’un droit fondamental : disposer comme elles le veulent de leur propre corps.
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