Les blessures assassines
Le 30 juillet 2010
Drame intense et thriller machiavélique autour d’un personnage fantasmatique : les cicatrices selon Almodóvar.
- Réalisateur : Pedro Almodóvar
- Acteurs : Gael García Bernal, Fele Martinez, Lluis Homar, Javier Cámara, Daniel Giménez Cacho
- Genre : Drame, Comédie dramatique, Thriller, LGBTQIA+
- Nationalité : Espagnol
- Distributeur : Pathé Distribution
- Editeur vidéo : Fox Pathé Europa
- Durée : 1h50mn
- Reprise: 19 juin 2019
- Titre original : La mala educación
- Âge : Interdit aux moins de 12 ans
- Date de sortie : 12 mai 2004
- Festival : Festival de Cannes 2004
– Le DVD :
Résumé : Deux garçons, Ignacio et Enrique, découvrent l’amour, le cinéma et la peur dans une école religieuse au début des années 1960. Le père Manolo, directeur de l’institution et professeur de littérature, est témoin et acteur de ces premières découvertes. Les trois personnages se reverront à la fin des années 70 et en 1980. Cette rencontre marquera la vie et la mort de l’un d’entre eux.
Critique : Les panneaux d’affichage laissés à l’abandon fascinent par la multiplicité de champs visuels qu’offre la juxtaposition anarchique de bouts d’images déchirées au hasard du temps. Ce sont en effet autant d’histoires qui surgissent et s’entrelacent de manière violente sans qu’on parvienne immédiatement à en comprendre le sens. Puis, peu à peu, un message se compose devant nos yeux subjugués. Tel est le fil directeur du dernier film de Pedro Almodóvar qui a d’ailleurs laissé sa caméra se promener sur de semblables panneaux, comme un clin d’œil en plein maelström de flash-back imbriqués dans un scénario à tiroirs.
À l’instar de la plupart des œuvres du cinéaste espagnol, résumer La mauvaise éducation relève de la gageure. Les héros aux personnalités multiples évoluent en effet dans une structure narrative d’une grande complexité. Ignacio, l’enfant de chœur à la voix pure sous l’époque franquiste, est ainsi devenu un travesti junkie dans une Espagne en pleine movida, libérée de ses carcans hypocrites. Le père Manolo dont les boutons de la soutane étaient plaqués avec violence contre l’enfant est devenu éditeur et père de famille. La peinture sombre du collège religieux laisse place à une débauche de couleurs vives où les chemises pourpres et les robes vertes jaillissent de murs jaune canari. Mais la pulsion érotique demeure d’une époque à une autre et se manifeste avec toujours autant de violence autour d’un personnage fantasmatique, Juan/Angel et faux Ignacio, dont la sensualité si charnelle est offerte par le magnifique Gael García Bernal.
Dix ans de réflexion ont été nécessaires à Pedro Almodóvar pour mettre au point le scénario de ce film qu’il reconnaît être "très intime, mais pas exactement autobiographique". On ne peut en effet que penser à Almodóvar lorsqu’Enrique, le réalisateur, tente avec passion de mettre en image les blessures laissées par l’enfance violée. Si le cinéaste a repris les thèmes qui lui sont chers comme l’homosexualité ou l’amour maternel, La mauvaise éducation se singularise comme un œuvre profondément dure et noire. Le sourire est à peine envisageable en dépit notamment de la figure attendrissante de Pepita, mais l’intensité du drame et le suspense machiavélique font de ce film non seulement un témoignage bouleversant des cicatrices laissées par les actes pédophiles mais également un thriller qui fera date dans l’histoire du cinéma.
Le DVD
Les suppléments
Étonnant de voir un film de cette qualité, de cette importance dans la carrière d’Almodóvar, traité avec autant de superficialité. Les bonus constituent une mauvaise plaisanterie avec ces deux scènes coupées (à raison) et un clip du tournage (making of maigrichon sans commentaires). Dommage, on imagine facilement le superbe collector (déjà au niveau du packaging) qui aurait pu en être tiré. Collector, renseignement pris, qui n’est pas au programme d’après l’éditeur.
La technique
Aucun défaut relevé dans cette belle image colorée et contrastée à souhait. En même temps, La mauvaise éducation n’est pas le genre de film qui va donner du fil à retordre à votre installation home cinéma.
Les détails techniques
– Edition 2 DVD
– Format image : 2.35
– Format vidéo : 16/9 compatible 4/3
– Audio : Dolby Digital français 5.1, espagnol 5.1
– Sous-titres : français
– Chapitré
– Couleur
– Interdit aux moins de 12 ans
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domik 27 juin 2004
La mauvaise éducation - Pedro Almodóvar - critique
J’ai beaucoup aimé la musique du film ; j’aimerais savoir de quelle oeuvre classique est tiré le "Kyrié" ?
merci
Thomas 29 juin 2004
La mauvaise éducation - Pedro Almodóvar - critique
Euh...
Comment peut-on avoir une si bonne idée de départ et se retrouver avec un si mauvais film ? Le seul aspect intéréssant et dérangeant du film (le trio formé par le prêtre et les deux enfants) est mis de côté (car trop choquant pour le Bobo de la Gauche-Télérama, principal amateur des films d’Almodovar ?)au profit d’un pseudo thriller à l’intérêt...nul. Oui, c’est bien filmé. Oui, c’est bien joué. Mais Almodovar nous met en scène tous les clichés les plus prévisibles du pseudo-provocateur : les prêtres pédophiles aussi ont des sentiments, les transexuels sont nos amis mais pas les drogués, il ne faut pas se fier aux apparences, la drogue et la chirurgie esthétique, c’est mal, il ne faut pas mentir à sa maman, ouhla, un film dans le film, mais vais-je comprendre ?, ouhla, du sexe filmé en super8, c’est osé...
Dommage !
kirk 20 janvier 2005
La mauvaise éducation - Pedro Almodóvar - critique
En réponse à thomas, moi j’ai trouver ça formidable...
giridhar 29 janvier 2006
La mauvaise éducation - Pedro Almodóvar - critique
Enrique Goded (Fele Martinez) est cinéaste et homosexuel. Alors qu’il se trouve dans une période de manque d’inspiration, il reçoit la visite d’un jeune acteur de théâtre, Ignacio Rodriguez. Stupéfait, il reconnaît l’enfant dont il était amoureux lorsqu’il se trouvait interne dans le collège où sévissait le Père Manolo (Daniel Giménez Cacho). Celui-ci les avait surpris dans une situation scabreuse et avait chassé Enrique, gardant auprès de lui Ignacio qu’il affectionnait particulièrement. Ignacio, qui a écrit une nouvelle fondée sur leur vécu commun, souhaite la faire lire à son ami. Ce dernier, profondément touché, décide d’en faire un film...
Dès l’ouverture, nous entrons sans contestation possible dans le monde si personnel et particulier d’Almodovar. Enfances aux relents fétides, génératrices de traumatismes indélébiles, personnages ambigus, ambivalents, en quête désespérée d’une identité inaccessible, univers nocturne, musical, mystérieux et fascinant des travestis... Lentement, douloureusement, les pelures des apparences se détachent, laissant à nu des corps et surtout des coeurs écorchés vifs. Mais, tandis que dans "Talons aiguilles", par exemple, un équilibre s’établissait entre l’ombre et la clarté, conduisant à une rédemption salvatrice, ici la lumièree n’apparaît quasiment jamais.
Les personnages sont tous de la même veine : égoïstes, veules, fourbes, manipulateurs. Ils sont des jouets, presque des coquilles plus ou moins vidées de leur substance authentique, qui dansent une sarabande funèbre dans laquelle l’homosexualité, misérable, pitoyable, est une reine dérisoire et sépulcrale. Le réalisateur promène ces individualités qui se cherchent perpétuellement à travers des flash back, des mises en scène d’un film dans le film lui-même... Bref, tout ce patchwork, d’une grande fluidité, est remarquablement construit pour dérouter le spectateur et lui faire perdre ses repères, tout comme c’est le cas pour les protagonistes du drame. Sur les plans esthétique, narratif, scénaristique, c’est une grande réussite. L’intellect ne peut qu’y être sensible et ressentir un envoûtement convulsif. Pour ce qui est de l’émotion et du coeur, j’avoue, en revanche, être resté totalement insensible, tant à la manière froidement distanciée dont l’histoire est exposée, qu’à son contenu lui-même. Et, si le dernier mot sur lequel se focalise l’objectif est "passion", je confesse n’avoir jamais éprouvé intimement sa présence dans cette oeuvre. Question de feeling, comme chanterait Richard Cocciante...
bbjj83 10 avril 2007
La mauvaise éducation - Pedro Almodóvar - critique
J’avais découvert Gael Garcia Bernal dans le film "Amores Perros" (Amours chiennes). Et il m’avait intrigué alors quand j’ai vu qu’il était dans ce nouveau film d’Almodovar, je me suis dit que cela ne pouvait être que bon.
Et je n’ai pas été déçu. J’ai vraiment adoré ce thriller dramatique...