Le 19 avril 2021
- Editeur : Cornélius
La structure fondée en 1991 par Jean-Louis Gauthey a construit en 30 ans un catalogue d’une remarquable richesse qui en fait un pilier de l’édition alternative francophone.
Cornélius dans le paysage de la bande dessinée alternative
La création de Cornélius s’inscrit dans un mouvement plus large du renouvellement du paysage éditorial de la bande dessinée alternative. L’agonie de la presse de bande dessinée – l’aventure Métal hurlant s’achève en 1987 – et la disparition de firmes emblématiques de l’édition indépendante comme Artefact et le Futuropolis d’Étienne Robial laisse un vide dans le paysage éditorial à la charnière des années 1990. Une nouvelle génération d’acteurs en quête de débouchés et de formats de publication alternatifs, c’est-à-dire qui s’émancipent du traditionnel « 48CC » et des grands éditeurs, s’affirme en créant de nouvelles structures éditoriales. Cornélius appartient à une nébuleuse de structures éditoriales, parmi lesquelles on compte Les Requins Marteaux, Fréon et Amok – qui fusionnent en 2002 pour donner le Frémok – ou encore Ego comme x. La plus célèbre initiative est sans doute celle qui donne jour en 1990 à l’Association, maison d’édition créée et gérée par des auteurs.
Jean-Louis Gauthey est lui-même proche des auteurs de l’Association lorsqu’il crée en 1991 sa propre structure éditoriale, baptisée Cornélius. Le jeune éditeur est passionné de sérigraphie et édite ses premiers ouvrages dans cette technique avant de passer à l’offset. Jean-Louis Gauthey édite volontiers les auteurs de l’Association qui désirent publier ailleurs qu’au sein de leur structure. C’est ainsi que Cornélius suit Jean-Christophe Menu qui livre cinq volumes de Mune Comix, Lewis Trondheim (Approximate continuum comix, série de six fascicules regroupés en 1995 dans un seul volume baptisé Approximativement) et David B. (Le nain jaune). Les deux éditeurs s’installent dans les mêmes locaux parisiens situés dans le XIe arrondissement, et partagent un temps la diffusion-distribution. Cette proximité entre les deux structures fait que Cornélius apparaît dans ses premières années comme une maison satellite de l’Association.
Cornélius développe toutefois une politique éditoriale originale qui se distingue d’autres structures alternatives. Le catalogue s’enrichit progressivement avec la production des ouvrages de Willem, dessinateur de Libération et de Charlie hebdo, et de figure en devenir de la bande dessinée comme Blutch qui signe Mitchum (cinq titres entre 1996 et 1999) et surtout Peplum, (1997) chef-d’œuvre refusé par Casterman en dépit d’une pré-publication dans sa revue (À Suivre). Jean-Louis Gauthey convainc également Robert Crumb, installé en France depuis le début des années 1990, de se faire publier chez Cornélius. L’éditeur contribue à la reconnaissance critique du dessinateur phare de l’underground, qui devient l’un des piliers du catalogue. Dans les années 2000, Cornélius élargit ses horizons au manga avec la publication des ouvrages de grands maîtres de la bande dessinée nipponne, à commencer par Prince Norman d’Osamu Tezuka (2005) et NonNonBâ de Shigeru Mizuki (2006).
Cornélius est restée totalement indépendante, ce qui laisse Jean-Louis Gauthey totalement libre de ses choix éditoriaux. La maison d’édition siège aujourd’hui au sein de la Fabrique Pola à Bordeaux, qui accueille également Les Requins Marteaux. Ce voisinage est à l’origine de la création en 2015 d’une revue semestrielle commune, Franky et Nicole. Cette revue désormais annuelle perdure depuis 2017 sous le seul nom de Nicole après l’abandon de l’édition par les Requins Marteaux.
La construction d’un catalogue éclectique et exigeant
Les ouvrages de Cornélius se distinguent par la diversité de leurs formats et par leur fabrication extrêmement soignée, reflet de l’intérêt de l’éditeur pour la matérialité de l’objet-livre. La charte graphique des couvertures rend les productions facilement repérables en libraire.
En 30 ans, Cornélius a bâti un catalogue éclectique a priori difficile à circonscrire, tant l’éditeur convoque des styles et des horizons géographiques différents. Aujourd’hui, elle propose aussi bien des créations contemporaines pensées pour la maison d’édition que des rééditions patrimoniales, en témoigne la sélection de titres que propose l’éditeur pour son anniversaire.
Si le catalogue aborde tous les genres et réunit des auteurs de divers horizons, on distingue quelques lignes de force dans la production éditoriale. Il est devenu l’un des principaux éditeurs français de la scène alternative américaine qui a émergé dans les années 1990, et publie ainsi Charles Burns, Daniel Clowes, Chester Brown ou encore Adrian Tomine. L’éditeur mène également un exceptionnel travail de réédition patrimoniale d’artistes qui figurent au panthéon du manga. Les récits de Yoshiharu Tsuge et de Yoshihiro Tatsumi, père du gekiga parus notamment dans la revue d’avant-garde Garo dans les années 1960 et 1970 sont regroupés dans des anthologies de grande qualité qui offrent un regard nouveau sur ces artistes majeurs. La publication de NonNonBâ de Shigeru Mizuki a d’ailleurs offert à Cornélius en 2006 le très convoité prix du meilleur album au festival d’Angoulême, signe d’une reconnaissance du milieu. Enfin, Cornélius possède deréuns créations originales souvent remarquables d’auteurs contemporains francophones reconnus ou en passe de l’être. Le Smart Monkey de Winschluss, Trois fils de Ludovic Debeurme ou Providence d’Hugues Micol sont des exemples de pépites au sein d’un catalogue très qualitatif. Difficile de ne pas y trouver son bonheur.
La critique de quelques titres de Cornélius
- Mr Natural de Robert Crumb
- La solitude du marathonien de la bande dessinée d’Adrian Tomine
- Citéville de Jérôme Dubois
- Anouk Ricard
- Cornélius lance une opération en librairie à l’occasion de ses 30 ans. Pour deux ouvrages achetés, un exemplaire de la revue Nicole est offert chez les libraires participants.
Galerie photos
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