I have a dream
Le 30 août 2005
Désillusion, ruine, chagrin... Le ton est donné dès les premières pages. Et pourtant, on sort grandi de La légende d’une servante, animé d’une violente envie de vivre.
- Auteur : Paula Fox
- Editeur : Joëlle Losfeld
- Genre : Roman & fiction
- Nationalité : Américaine
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Lorsque vous aurez terminé La légende d’une servante, une seule question se posera encore à vous : pourquoi a-t-il fallu attendre vingt ans pour que soit enfin publié en France ce bouleversant roman ? Il est vrai que nul n’est prophète en son pays : trop discrète peut-être pour les Etats-Unis, Paula Fox reste longtemps dans l’ombre jusqu’à ce qu’en 1991 (elle a alors soixante-dix ans), Jonathan Franzen découvre l’un de ses livres et fasse du forcing pour sa réédition, s’offrant même le luxe de le préfacer. Et lorsque l’auteur des Corrections considère un écrivain comme l’un des plus importants de ce siècle, on peut lui faire confiance. Outre leur talent commun, tous deux s’appliquent à détruire méthodiquement le rêve américain : Franzen au sein de la famille typique, Fox à travers les yeux d’une immigrée.
Luisa de la Cueva n’a pas plus de huit ans lorsque son père décide quitter le petit village de Malagita sur une île des Caraïbes, ses cannes à sucre, la vie de domestique de sa femme et surtout la révolution qui semble se profiler. Mais c’est une décision qu’il prend seul et qui tient plus de la fuite en avant que du réel souci de protéger sa famille. Dès lors, un mur d’incompréhension se dresse entre le père et sa fille. A peine embarquée sur la bateau qui doit la mener à New York, Luisa n’aura de cesser d’aspirer à ce retour sur son île adorée : au point de passer sa vie entière à l’idéaliser. Pour elle, le rêve n’est pas américain et ne débute pas sur Broadway : il est derrière elle sur l’île de San Pedro. Dès lors, elle ne nourrit pas d’ambitions sociales, ne convoite pas la réussite professionnelle ou financière : elle trouve un emploi de servante qu’elle occupera toute sa vie pour plusieurs riches familles. Mais à la différence de sa mère, elle ne le subit pas. Paula Fox nous présente ce choix de vie comme la seule issue sensée et c’est dans cette perception de l’humain que La légende d’une servante puise sa profondeur.
Luisa n’est pas la pauvre petite fille déracinée, misérable, en marge du rêve américain. Au contraire, Paula Fox nous brosse le portrait d’une combattante inépuisable que les malheurs d’une vie (racisme, manque d’argent et d’amour) ne brisent pas. Tous ses désenchantements ont pour effet de la renforcer dans sa dignité et de l’élever humainement. Avec une persévérante délicatesse, la romancière dissèque la construction d’un destin et d’une identité. Mais la vérité est parfois cruelle à lire : jusqu’au dernier souffle, elle vous submerge, vous emporte dans un flot d’émotions. Et on a beau savoir que les choses ne se finissent pas toujours bien, on attend souvent de la littérature qu’elle nous dise le contraire. Inutile de compter sur Paula Fox pour ça et c’est là toute la puissance de son roman.
Paula Fox, La légende d’une servante (A servant’s tale, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Marie-Hélène Dumas), Joëlle Losfeld, 2005, 430 pages, 22,50 €
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