Le 26 mai 2014
- Scénariste : Jean-Yves Le Naour>
- Dessinateur : Dan
- Genre : Historique
- Editeur : Grand Angle
- Famille : BD Franco-belge
- Date de sortie : 1er avril 2014
- Durée : 1
Les Editions Grand Angle continuent leur exploration du début du vingtième siècle avec ce vibrant rappel d’une injustice de la guerre de 14-18. Bien documenté, La Faute au Midi ne peut laisser indifférent.
Résumé :
Le 7 août 1914, les soldats des contingents de Provence partent pour une courte ballade. Ils portent la joie dans le coeur à l’idée d’aller botter le derrière des allemands à la frontière de l’est mais « la peur au ventre », comme nous le rappelle Jean-Yves Le Naour. On sait ce qu’il en a été de cette promenade : quatre ans de sang et de boucherie. Mais ce que l’on sait moins, c’est la terrible destinée de ces soldats du soleil, cristallisée ici par l’incroyable, injuste et irréparable mésaventure du soldat Auguste Odde.
Notre avis :
Cette BD représente un beau témoignage et un magnifique hommage à Auguste Odde. Plus on avance, plus on est écoeuré par les décisions et l’engrenage irrémédiable qui se met en place pour écraser le pauvre soldat.
L’émotion surgit et sur ce point, Jean-Yves Le Naour atteint son but.
Nous découvrons avec effarement une page de l’histoire de France, de notre histoire à travers la vie d’un homme et l’horreur larvée d’une guerre.
Le personnage de Auguste Odde reste poignant jusqu’au bout, à croire en une justice pourtant muselée, refusant de voir l’évidence arriver à grand pas et même au galop.
Je ne sais comment se sont vraiment comportés ces hommes, soldats, capitaines, généraux, députés, ministre et généralissime, mais ce qu’il ressort à la lecture de ces quarante-huit pages, c’est l’enfilade d’une belle brochette d’imbéciles et d’ordures, quelque soit le niveau de pouvoir qui ne pourra que vous dégoûter.
Et c’est là où la vérité historique se heurte à la vraisemblance de la fiction. L’histoire est vraie, fondée autant que faire se peut sur des documents et témoignages historiques, sur des événements et des faits. Mais cette BD nous entraîne quand même en partie dans un terrain fictif. Les échanges, les discussions, les points de détails probablement imaginés, avec toute l’honnêteté du monde, reposent sur des suppositions. Et dans La Faute au Midi, cette partie fictive est minimisée pour laisser la parole à l’Histoire. Mais l’Histoire ne peut tout faire et il ressort de ce récit un certain manichéisme, sans doute en partie fondé, mais qui pèse lourd à la lecture.
Je m’explique : tous ceux qui prennent des décisions négatives le font presque toujours sciemment, se réfugiant derrière la guerre, le bien de la France et autres excuses. Du coup, ces hommes apparaissent à nos yeux comme des ignobles égoïstes (pour rester correct), sacrifiant l’humain à la raison d’état. L’humanité et la bonté se trouve du côté des victimes ou des impuissants. Il n’y a pas de juste milieu, de demi-mesure, de teintes de gris.
Cela se ressent au démarrage de l’histoire. Les trois premières pages créent un sentiment de déjà-vu. Ces soldats qui s’embarquent, surs de revenir rapidement, ce brave gars qui pressent la vérité, ce général trois étoiles qui « ne le sent pas » mais qui doit obéir aux ordres, ce général hautain qui lance « Si les Allemands sont nombreux, la bataille n’en sera que plus intéressante »... On connaît cet air-là, déjà chanté dans tous les documentaires, téléfilms, romans, témoignages et même grands films réalisés sur cette première guerre tragique. Et même si cela retranscrit particulièrement bien l’ambiance de l’époque, nous attendons quelque chose de plus. Ce quelque chose arrive assez vite avec la première défaite et la « dénonciation » organisée par Joffre. On rentre alors dans le vif de l’Histoire mais cette Histoire prend le pas sur l’histoire. La vérité historique écrase la fiction et nous lisons simplement une triste page d’Histoire.
Le cahier final renforce cette impression. L’explication des faits paraphrase souvent les quarante-huit pages précédentes ou l’inverse. Même si les photos, les peintures d’époque, les recherches de Dan illustrent merveilleusement ce cahier, il lui manque un petit rien. Peut-être juste de savoir sur quelles bases documentaires s’appuient tous ces détails si riches et si précis. Et ce projet, soutenu par les archives départementales des Bouches-du-Rhône, disposait des clés pour nous expliquer cela. Cette approche aurait été plus intéressante, à mon avis, que le simple détail de ce que nous avons lu précisément avant dans la BD.
Heureusement, le dessin de Dan permet d’insuffler une dimension tragique à ces événements. Ces hommes effrayés, marqués, héberlués sont près de nous, malgré ces cent ans qui nous séparent. Ces décors imposants, droits, de bâtiments froids, magnifiques, parfois détaillés, parfois croqués, resituent rapidement les lieux du drame et ramènent les hommes à leur place dans un mécanisme qui les dépasse.
Le découpage en trois à quatre bandes s’enrichit de la variété de taille des cases, ainsi que de leur interpénétration, qui apporte du rythme à cette tragédie. Des dessins en demi-page laissent la place à Dan pour exprimer la force des situations ou le charme d’un décor. Les angles de vue restent classiques.
1914, mauvais crû pour Zéda...
La Faute au Midi est une de ces BD d’utilité publique qui contribuent à nous faire prendre conscience de l’horreur de la guerre - s’il en était encore besoin - et des drames qui ont jonché les conflits de cette année 1914. Auguste Odde et son compère d’infortune, Joseph Tomasini, méritaient largement ce récit. Si La Faute au Midi manque du souffle épique de la fiction, elle mérite amplement sa place dans tous les CDI et les bibliothèques de France et de Navarre par le sérieux et la rigueur de son approche.
Galerie photos
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