La cigogne en papier - la critique

Le dernier muet de Mizoguchi. Un film d’ombre et de lumière, tout à la fois lyrique et tragique.

L’argument : Sokichi quitte son village pour faire ses études de médecine. Obligé de devenir serviteur pour avoir un toit et ne pas mourir de faim, il rencontre Osen, une belle prostituée qui le prend en pitié. Celle-ci, contrainte de participer aux activités douteuses d’une bande de voyous organisée par Matsuda, escroque la plupart de ses clients...

Notre avis : Mizoguchi adapte une oeuvre de Izumi Kyoka, auteur à succès qui inspira régulièrement le cinéma et qui partage sa fascination pour l’univers des geishas. Le réalisateur retrouve pour l’occasion l’actrice Isuzu Yamada, future égérie du cinéma japonais à qui il offre ici son premier grand rôle dans son panthéon d’héroïnes tragiques. L’actrice apparaît en gros plans, la mèche défaite, sublimée par la lumière qui baigne son visage. La cigogne en papier raconte "la fin misérable d’une beauté." C’est l’histoire d’Osen, une ancienne geisha réduite à la servitude qui croit trouver le salut avec l’arrivée dans sa vie de Sokichi, un adolescent qui se soumet en silence à la cruauté de Matsuda. Cette purification est symbolisée par la cigogne en papier, tour à tour prière et don de soi, qui introduit par la même occasion un peu de poésie dans ce monde de brutes. Mais la persécution des hommes finit par conduire Osen à la folie.
La cigogne en papier marque les derniers soubresauts de l’époque des benshi, narrateurs de films muets qui eurent une influence durable sur le cinéma japonais. Le procédé, plus adapté à la salle de cinéma qu’au DVD, paraît parfois ici déroutant, notamment par la présence d’un narrateur unique, masculin de surcroît, qui ne rend pas justice à l’héroïne. Aussi on retiendra surtout du film le traitement de l’image et le montage audacieux de Mizoguchi qui s’appuie sur des flash back imbriqués. La cigogne en papier est ainsi avant tout un film moderne. De quoi justifier amplement sa sortie en DVD.

Le DVD

Les suppléments

Le film est accompagné d’une introduction très concise de Pascal Vincent de trois minutes qui le replace dans son contexte historique - la transition entre le cinéma muet et le parlant - ainsi que dans la filmographie de Mizoguchi. On trouvera également une interview en français très instructive de Osamu Kuroi sur les origines du benshi et un bonus supplémentaire dans lequel le comédien s’essaie à son tour, en japonais puis en français, à la narration d’un film muet. Il eut peut-être été judicieux de choisir l’une ou l’autre version, l’exercice s’avérant un peu répétitif à la longue.

Image & son

Le film, comme les deux autres du coffret, est précédé d’un avertissement du distributeur précisant que le master a été réalisé "à partir d’un nouveau télécinéma HD issu des seuls éléments 16mm encore existant". Le résultat de la restauration est tout à fait honorable, même s’il demeure des tâches, griffures et quelques transitions un peu brusque. La piste mono japonaise sous-titrée en français comporte peu de souffle.