Un homme et deux femmes
Le 21 mars 2008
Un an avant Les sœurs de Gion, Mizoguchi touche du doigt les affres de la société japonaise prise entre tradition et modernité.
- Réalisateur : Kenji Mizoguchi
- Acteurs : Daijiro Natsukawa, Chiyoko Okura, Ichiro Tsukida, Kuniko Miyake, Yukichi Iwata
- Genre : Drame
- Nationalité : Japonais
- Editeur vidéo : Carlotta Films
– Durée : 1h08mn
– Titre original : Gubijinso
Un an avant Les sœurs de Gion, Mizoguchi touche du doigt les affres de la société japonaise prise entre tradition et modernité.
L’argument : Un vieux professeur à la retraite accompagne sa fille Sayako à Tokyo pour la marier à Ono, son ami d’enfance. Mais le jeune homme est séduit par Fujio, une jeune femme moderne fiancée à Munechika. Ono décide alors de quitter Sayako...
Notre avis : Entre mélodrame et conte moral, Les Coquelicots dresse le portrait de deux jeunes filles opposées par leur éducation mais qui convoitent le même homme, Ono, lui-même soumis aux caprices des uns et des autres et incapable d’assumer ses choix. Il y a d’un côté Sayako, jeune fille réservée, incarnant la tradition - on la découvre jouant du luth en tenue traditionnelle - et nourrissant de tendres pensées à l’égard de son ami d’enfance. Et de l’autre, Fujio, rebelle, impétueuse, qui parle de la passion de l’âme et du corps et va jusqu’à proposer le mariage à Ono. Isuzu Yamada, enceinte, dut refuser le rôle de Fujio. Celui-ci revint alors à Kuniko Miyake qui deviendra l’une des actrices d’Ozu dans les années 50.
Mal aimé de Mizoguchi, Les coquelicots est loin de la recherche esthétique de La cigogne en papier, voire même de Oyuki, la vierge. La confrontation entre les deux mondes reste d’ailleurs tout à fait théorique : Sayako et Fujio ne partagent aucune scène à l’exception d’une rencontre toute aussi brève que fortuite dans la rue, dominée dans tous les sens du terme par Fujio. Les deux jeunes filles n’ont finalement pas vraiment voix au chapitre et restent soumises à la décision d’Ono mais aussi au jugement des hommes qui se révèlent impitoyables à l’égard de Fujio. La jeune fille qui se veut libre ne peut que finir sacrifiée par une société qui considère que « les femmes qui recherchent du plaisir sont dangereuses ». On retrouve ici un des thèmes de prédilection de Mizoguchi, le sort réservé aux femmes dans la société japonaise. En définitive, le film, certes mineur, s’avère intéressant à découvrir en tant que prélude aux Sœurs de Gion.
Le DVD
Les suppléments
L’introduction concise de Pascal Vincent permet de situer le film dans la filmographie de Mizoguchi.
Image & son
À la différence de La cigogne en papier, ici, le matériel d’origine, visiblement très dégradé, n’a permis qu’une restauration aléatoire. L’image reste inégale, instable et souffre de multiples tâches et griffures tandis que la piste sonore mono en japonais demeure fortement parasitée. Difficile dans ces conditions d’apprécier pleinement le film.
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Claude Rieffel 20 octobre 2010
Les coquelicots
Il est certain que le film est un peu handicapé par son scénario, tiré d’une pièce de théâtre de 1907, qui assigne à chaque personnage un rôle trop déterminé et tend à les réduire à la fonction de porte-parole. Pourtant, et en dépit de l’état précaire de la copie, on est bouche bée face à la respiration que Mizoguchi parvient à insuffler même aux scènes les plus ingrates à filmer. La grâce chorégraphique des mouvements de caméra, de saisissants champs/contre-champs, et, plus encore, la subtile organisation de l’espace et des déplacements dans le plan provoquent un frémissement qui permet au film de s’affranchir des limites évoquées plus haut.
Filmés en plan séquence et installés dans un espace qui relativise leurs gestes et leurs paroles, même les personnages à priori les plus convenus, le vieux professeur et sa fille, en acquièrent une profondeur et une complexité inattendue. Comme souvent chez Mizoguchi, les figures féminines ont plus de relief que leurs partenaires masculins : Kuniko Miyake défend admirablement le personnage de Fujio, enfant gâtée condamnée par le scénario mais sauvée par le film, et la grande Yoko Umemura, familière de l’univers du cinéaste, réussit à rendre insaisissable celui de la belle-mère manipulatrice.
S’il n’est pas à ranger parmi les chefs-d’oeuvres de son auteur, ces Coquelicots magnifiques, dont chaque plan est une révélation, renvoient à son inanité 99% de la production cinématographique.