Critique

CINÉMA

Les coquelicots

Un homme et deux femmes

Le 21 mars 2008

Un an avant Les sœurs de Gion, Mizoguchi touche du doigt les affres de la société japonaise prise entre tradition et modernité.

  • Claude Rieffel 20 octobre 2010
    Les coquelicots

    Il est certain que le film est un peu handicapé par son scénario, tiré d’une pièce de théâtre de 1907, qui assigne à chaque personnage un rôle trop déterminé et tend à les réduire à la fonction de porte-parole. Pourtant, et en dépit de l’état précaire de la copie, on est bouche bée face à la respiration que Mizoguchi parvient à insuffler même aux scènes les plus ingrates à filmer. La grâce chorégraphique des mouvements de caméra, de saisissants champs/contre-champs, et, plus encore, la subtile organisation de l’espace et des déplacements dans le plan provoquent un frémissement qui permet au film de s’affranchir des limites évoquées plus haut.
    Filmés en plan séquence et installés dans un espace qui relativise leurs gestes et leurs paroles, même les personnages à priori les plus convenus, le vieux professeur et sa fille, en acquièrent une profondeur et une complexité inattendue. Comme souvent chez Mizoguchi, les figures féminines ont plus de relief que leurs partenaires masculins : Kuniko Miyake défend admirablement le personnage de Fujio, enfant gâtée condamnée par le scénario mais sauvée par le film, et la grande Yoko Umemura, familière de l’univers du cinéaste, réussit à rendre insaisissable celui de la belle-mère manipulatrice.
    S’il n’est pas à ranger parmi les chefs-d’oeuvres de son auteur, ces Coquelicots magnifiques, dont chaque plan est une révélation, renvoient à son inanité 99% de la production cinématographique.

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