Maison close
Le 14 mai 2019
L’œuvre ultime de Mizoguchi jette un regard sans concessions mais sans surenchère émotionnelle sur l’univers de la prostitution, microcosme révélateur des mécanismes sociaux.
- Réalisateur : Kenji Mizoguchi
- Acteurs : Ayako Wakao, Kumeko Urabe, Machiko Kyō, Eitarō Shindō, Haruo Tanaka, Michiyo Kogure, Sadako Sawamura, Daisuke Katō, Aiko Mimasu, Bontarô Miake, Eiko Miyoshi, Yasuko Kawakami, Hiroko Machida, Toranosuke Ogawa, Sachiko Meguro
- Genre : Drame, Noir et blanc
- Nationalité : Japonais
- Durée : 1h26mn
- Titre original : 赤線 地帯 (Akasen chitai)
- Date de sortie : 25 octobre 1957
- Plus d'informations : http://www.films-sans-frontieres.fr...
- Festival : Festival de Venise 1956
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Reprise : le 13 mai 2015
L’argument : Dans une maison de geishas de Yoshiwara, le quartier des plaisirs de Tokyo, on s’inquiète d’une nouvelle loi discutée au parlement prévoyant l’interdiction de la prostitution. Mickey, une nouvelle employée jeune et sans complexe, est décidée à gagner le plus d’argent possible pour étancher sa soif de dépenses. Mais si ses compagnes ont souvent une raison plus précise de vendre leur corps aux clients réguliers ou de passage, toutes restent fidèles à leur mode de vie, entretenu par l’arrivée permanente de nouvelles recrues. (Films sans Frontières)
Notre avis : Sorti au Japon le 18 mars 1956, Akasen chitai est le dernier film réalisé par Kenji Mizoguchi. Le cinéaste mourra le 24 août de la même année alors qu’il préparait, avec son collaborateur habituel Yoshikata Yoda, le tournage de Contes d’Osaka qui sera finalement réalisé par Komisaburo Yoshimura.
Yoda n’est pas crédité au générique de La rue de la honte, dont le scénario, écrit par Masashige Narusawa d’après un roman de Yoshiko Shibaki, cherche à dresser un tableau de la situation des prostituées au moment où le parlement japonais débattait autour du projet d’une loi interdisant les maisons closes.
- Machiko Kyo et Ayako Wakao dans Akasen chitai (赤線 地帯) de Kenji MIZOGUCHI - Daiei 1956
Ce scénario n’évite pas toujours un côté démonstratif et systématique, alignant des épisodes et des personnages exemplaires pour étayer ce qui ressemble à un réquisitoire. Mais la mise en scène précise, sèche, élégante, freine la surcharge émotionelle et l’emphase rhétorique pour observer sans ciller, de très près mais avec une espèce de recul, des situations qui invitent à la surenchère, notamment lors de la scène où le fils de Yumeko (Aiko Mimasu) rejette violemment sa mère dont il a honte.
- Akasen chitai (赤線 地帯) de Kenji MIZOGUCHI - Daiei 1956
Il y a d’autres moments forts : Mickey (Machiko Kyo) provoquant son père venu hypocritement défendre la réputation familiale ; Hanae (Michiyo Kogure) surprenant son mari sur le point de se pendre et lui reprochant sa lâcheté ; Yasumi (Ayako Wakao) agressée par la commerçant qu’elle a entraîné à la ruine. Mais ces éclats n’ont pas droit à un traitement privilégié, l’attention se portant tout autant sur des détails moins spectaculaires ou des personnages en apparence secondaires :
l’attitude distante de l’aubergiste jaugeant Yumeko en visite à la campagne et finissant quand même par lui lancer au passage qu’elle a beau enlever son rouge à lèvre, on sait quel métier elle exerce ; les patrons (Eitarô Shindo et Sadako Sawamura) soulagés chaque fois que le projet de loi est rejeté et se posant en protecteurs paternalistes de leurs pensionnaires guère convaincues ; l’omniprésence discrète de la vieille servante, sans doute elle-même ancienne prostituée, jouée par Kumelo Urabe.
Participent aussi de cette démarche l’importance donnée à la profondeur de champ par la superbe photo noir et blanc du grand Kazuo Miyagawa (les deux films précédents de Mizoguchi étaient en couleurs) et la musique volontiers dissonante, moderniste, deToshirô Mayuzumi qui ne souligne pas le drame mais le tient à distance.
- Akasen chitai (赤線 地帯) de Kenji MIZOGUCHI - Daiei 1956
Ce refus de la séduction et de la surenchère émotionnelle ne fait que renforcer l’impact de cette œuvre ultime qui ne se veut aucunement une somme testamentaire mais qui permet au cinéaste d’explorer une fois de plus ce microcosme révélateur des mécanismes sociaux qu’est l’univers de la prostitution en faisant brûler chaque plan de l’intensité d’un regard non réconcilié, non résigné sur le monde.
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