Femmes bafouées
Le 26 juillet 2006
Dans le Japon de l’après-guerre, des femmes sombrent dans la prostitution pour s’en sortir. Un très beau film, féministe et pessimiste.


- Réalisateur : Kenji Mizoguchi
- Acteurs : Kinuyo Tanaka, Kumeko Urabe, Sanae Takasugi, Tomie Tsunoda, Hiroshi Aoyama
- Genre : Drame
- Nationalité : Japonais

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– Durée : 1h13mn
– Titre original : Yoru no onnatachi
Dans le Japon de l’après-guerre, des femmes sombrent dans la prostitution pour s’en sortir. Un très beau film, féministe et pessimiste.
L’argument : A Osaka, une secrétaire veuve de guerre disparaît lorsque sa sœur devient la maîtresse de son patron. On retrouve sa trace dans un hôpital investi par les prostituées, dont elle est devenue la reine.
Notre avis : Osaka, après guerre. La ville est dévastée et la situation de nombre de ses habitants guère reluisante. Parmi eux, une jeune femme, Fusako, a perdu son époux sur le front coréen et son fils, malade, dont elle n’a pu payer les soins. D’abord devenue la maîtresse d’un patron riche et malhonnête qui lui préfère rapidement sa sœur, elle sombre dans la prostitution.
Avec un art consommé de la mise en scène (rigueur, raffinement de plans-séquences à l’impressionnante profondeur de champs, sens du rythme...), s’attachant à faire preuve de réalisme, Kenji Mizoguchi s’attaque à nouveau aux violences de tout ordre faites aux femmes. Méprisées, avilies, abandonnées, elles sont les grandes perdantes de la société. La guerre leur prend leurs maris, la pauvreté leurs enfants. Cela les rend d’autant plus vulnérables et elles tombent aux mains d’hommes vils, veules, violents. A une exception près (le directeur du centre pour prostituées), la gent masculine ne ressort pas grandie de ce portait particulièrement virulent, appuyé par des scènes d’une grande violence (ainsi le viol d’une jeune fille par un étudiant). Mizoguchi s’affirme ici résolument comme un cinéaste féministe.
Pourtant, l’attitude des femmes elles-mêmes n’est pas sans ambiguïté. Ainsi le cinéaste réagit-il par la bouche du médecin au discours, tenu par une fanatique de la moralité, selon lequel la prostitution ne serait pas le résultat d’une société pourrie mais de la mauvaiseté intrinsèque de certaines femmes, qu’il convient donc d’éradiquer au plus tôt. Le réalisateur, résolument libéral et compréhensif, s’inscrit radicalement en faux contre ces arguments d’arrière-garde. Le simplisme n’est cependant pas de mise et les femmes de la nuit ne sont pas tendres entre elles. La dernière séquence, particulièrement violente, chargée en émotions, le rappelle de manière magistrale. De l’entraide ou de la concurrence, cette dernière triomphe. Tous les efforts consentis pour se sortir des situations les plus sordides semblent voués à l’échec. Et c’est bel et bien le pessimisme sur la nature humaine qui l’emporte au terme de cette œuvre foisonnante.