« Tu te bourres la gueule et tu couches avec une jeunette, pourquoi j’en fais tout un plat ? »
Le 23 mars 2018
La grâce du cinéma de Hong Sang-soo est intacte, même si cet opus peut paraître mineur.
- Réalisateur : Hong Sang-soo
- Acteurs : Isabelle Huppert, Jeong Jin-yeong , Kim Min-hee , Hee Jang-mee, Yoon Heesun
- Genre : Comédie dramatique
- Nationalité : Sud-coréen
- Distributeur : Jour2fête
- Durée : 1h09mn
- Titre original : Keul-le-eo-ui ka-ma-la
- Date de sortie : 7 mars 2018
- Festival : Festival de Cannes 2017
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Résumé : Lors d’un voyage d’affaires au Festival de Cannes, Manhee est accusée de malhonnêteté par sa patronne, et licenciée. Claire se balade dans la ville pour prendre des photos avec son Polaroïd. Elle fait la rencontre de Manhee, sympathise avec elle, la prend en photo. Claire semble capable de voir le passé et le futur de Manhee, grâce au pouvoir mystérieux du tunnel de la plage. Désormais Claire décide d’accompagner Manhee au café où elle a été licenciée. C’est le moment de découvrir le pouvoir de Claire à l’œuvre…
Critique : Le charme discret (mais réel) du cinéma de Hong Sang-soo agit toujours avec cette œuvre épurée tournée dans les rues de Cannes à l’occasion de l’édition 2016 du Festival. Le « Rohmer sud-coréen », comme d’aucuns qualifient sans doute abusivement le cinéaste, retrouve ici deux de ses muses : son épouse Kim Min-hee, qui avait brillé dans le récent Seule sur la plage la nuit ; et Isabelle Huppert, qu’il avait dirigée dans In Another Country. Qu’il filme Séoul, Hambourg ou Cannes, Hong Sang-soo reste fidèle à son art : des plans fixes cernant des personnages indécis et bavards travaillant dans l’univers du septième art, des séquences incontournables comme l’habituelle beuverie autour d’une bouteille de saké, ou ce jeu sur le présent, le passé et le futur, privilégiant le ton décalé et la mise en abyme.
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La Caméra de Claire se détache cependant de ses précédentes œuvres, moins par sa « french touch » et ses conditions de tournage artisanales, que par sa tonalité fantaisiste et légère. Il y est certes question de licenciement et de rupture amoureuse, mais l’essentiel est ailleurs : dans cette irruption d’humour surréaliste qui n’aurait pas déplu à Buñuel et cette ambiance de conte fantastique qui évoque par instants le scénario de La Vie est belle de Frank Capra aussi bien que le cinéma de Demy : la photographe interprétée par Huppert n’est-elle pas une réincarnation de la bonne fée immortalisée par Delphine Seyrig dans Peau d’âne ? À moins que son Polaroïd magique ne soit une nouvelle version de l’appareil utilisé par David Hemmings dans Blow-Up… On appréciera par ailleurs l’effet de miroir de La Caméra de Claire, à travers les clichés pris par l’enseignante parisienne.
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Le réalisateur s’est ici basé sur la thèse de l’essayiste Susan Sontag qui estime que les photos permettent de découvrir les personnes comme elles ne se voient jamais. La Caméra de Claire est donc autant une variation de plus à l’édifice d’une œuvre personnelle qu’un film se nourrissant de théories et de propositions de cinéma plus anciennes. On regrettera toutefois quelques coquetteries stylistiques, comme ces prises de vue nocturnes sur les rues piétonnes du quartier du Suquet, certes très soignées (photo signée Lee Jinkeun), mais touristiques et léchées, conférant au film une joliesse de bonbonnière. Et il est clair qu’en dépit de ses qualités, l’ouvrage reste mineur et expérimental, loin des splendeurs que furent Haewon et les hommes ou Un jour avec, un jour sans.
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