Comédie d’été ?
Le 30 juillet 2024
L’opus 9 de Hong Sang-soo. Déroutant et jubilatoire.
- Réalisateur : Hong Sang-soo
- Acteurs : Jiwon Uhm, Kim Tae-woo, Ko Hyeon-jeong, Yu Jun-sang, Ha Jung-woo
- Genre : Comédie dramatique
- Nationalité : Sud-coréen
- Distributeur : Happiness Distribution
- Durée : 2h06mn
- Titre original : Jal Aljido Motamyunseo
- Date de sortie : 5 mai 2010
- Festival : Festival de Cannes 2009
Résumé : Encore méconnu, pas assez riche, et désespérant d’y changer quoique ce soit à l’âge de quarante ans, Ku Kyung-nam ne peut plus échapper à l’étiquette de "réalisateur art et essai". Lorsque le festival de Jecheon le sollicite pour être membre de son jury, il accepte avec une idée derrière la tête : peut-être y fera-t-il des rencontres ? Mais il s’endort tous les jours devant des films inintéressants, et passe ses nuits à boire en compagnie de festivalier(e)s aussi ennuyé(e)s que lui. Il pense pourtant avoir trouvé l’âme sœur, mais ce n’est qu’un rêve qui tournera à l’humiliation...
Critique : Ce neuvième film de Hong Sang-soo est placé sous le signe de l’été et de la chaleur, en particulier dans sa deuxième partie, située sur l’île de Jeju. Le personnage principal ne cesse de s’essuyer avec un mouchoir. Il se couche au soleil sur des galets... La chaleur est sans doute - avec l’alcool qui coule à flots - en partie responsable de la surexcitation qui l’agite, et qui agite aussi les autres autour de lui.
Ce personnage central - alter ego de l’auteur mais jusqu’à un certain point seulement - est un réalisateur qui doute de lui-même. Au début, à son arrivée au festival de Jecheon, où il doit faire partie du jury, il reçoit des compliments dithyrambiques, des marques d’admiration propres à lui faire tourner la tête. Mais le principe du film est celui de la douche écossaise : il en verra de toutes les couleurs. Sa voix off qui commente l’action de temps en temps ne fait pas illusion ; il a beau prendre un ton distant et supérieur, on se rend compte très vite qu’il ne maîtrise rien du tout.
À deux, à trois, à plusieurs : les conversations abondent (échanges, discours, débat...). Le ton est toujours poli au début - sourires, phrases toutes faites - et puis arrive, très vite et sans crier gare, le moment où ça dérape : quelqu’un, généralement lui, parle trop fort, pose une question déplacée et se fait aussitôt rappeler à l’ordre avec une violence inattendue qui paraît disproportionnée. Notre cinéaste est par moments comme un chien dans un jeu de quilles, participant à un jeu dont il ne connaîtrait pas vraiment les règles mais toujours prêt à retenter sa chance.
Les nombreuses figures féminines qu’il croise ne sont pas toutes celles de ses amis, mais avec chacune, il installe une relation complexe, jamais tout à fait la même. Il y a un véritable suspense, le spectateur guettant les réactions de ces femmes, le moment ou elles vont révéler un autre visage.
Le ton est celui de la comédie, vraiment très drôle, mais bien souvent on frôle autre chose. L’ami chez lequel il passe une nuit meurt le lendemain, il propose à la veuve de l’épouser, puis le mari vivant - était-ce un rêve ? - le raccompagne à son taxi, tandis qu’on entend la femme sangloter à l’intérieur de la maison. De retour à son hôtel il reçoit une lettre d’injures de l’ami... Il s’est donc bien passé quelque chose, mais quoi au juste ? Lui même y retourne, tente de s’expliquer, le mari lui lance une pierre à la figure... nous n’en saurons pas plus. Ce film pourtant bavard ne met pas le spectateur dans la confidence.
Nous n’avons jamais le fin mot de l’histoire mais c’est un plaisir de se laisser mener par le bout du nez dans ce jeu déroutant où le sexe, les rivalités d’ego, les jalousies, les frustrations peuvent à tout moment faire irruption et modifier la donne de départ d’une situation. Un jeu prenant, jubilatoire, dérangeant, émouvant aussi. Le tout filmé avec cette légèreté élégante et cette fausse nonchalance qui caractérise tous les films de Hong Sang-soo, l’un des cinéastes sud-coréens les plus vifs et passionnants.
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Norman06 3 juin 2010
Les femmes de mes amis - Hong Sang-soo - critique
Film de dialogues dont l’action passe par la vitalité verbale, Les Femmes de mes amis ne mérite pas de coupe au montage et vaut par sa fausse nonchalance ainsi que sa satire en filigrane d’un certain monde du cinéma. Bien sûr, tout n’est pas parfait, à l’image de ce comique de situation un brin lourdaud et de ces personnages stéréotypés (l’actrice porno qui tente de se recaser dans le cinéma d’auteur). Mais Hong Sang-soo, que l’on a connu certes plus inspiré et créatif dans Turning gate, réalise au final une œuvre attachante et décalée.