Dérapages incontrôlés
Le 15 octobre 2013
Hong Sang-soo surprend encore en explorant inlassablement son petit monde faussement familier. Légèrement angoissant et irrésistiblement drôle.
- Réalisateur : Hong Sang-soo
- Acteurs : Jane Birkin, Yu Jun-sang, Ji-won YE (YE Jiwon), Lee Sun-kyun, Eunchae JUNG (JUNG Eun-chae), Jaok KIM (KIM Jaok), Euiseong KIM (KIM Euiseong), Jubong Gi (GI Jubong), Deok-hwan RYU (RYU Deok-hwan)
- Genre : Comédie dramatique
- Nationalité : Sud-coréen
- Distributeur : Les Acacias
- Durée : 1h30mn
- Titre original : 누구의 딸도 아닌 해원 / Nugu-ui ttal-do anin Haewon
- Date de sortie : 16 octobre 2013
- Festival : Festival de Berlin 2013
L'a vu
Veut le voir
Résumé : Haewon, une jeune et belle étudiante, veut mettre fin à la liaison qu’elle entretient avec son professeur Seongjun. Se sentant déprimée par le départ de sa mère qui part s’installer au Canada, elle le contacte à nouveau. Ce jour-là, ils rencontrent des étudiants dans un restaurant et leur relation est révélée. Haewon est de plus en plus perturbée et Seongjun émet l’idée qu’ils partent ailleurs tous les deux…
Critique : Le cinéma de Hong Sang-soo semble avoir adopté désormais le rythme de croisière d’un long-métrage tous les huit mois (le quinzième, U ri sunhi, vient d’obtenir le Léopard d’argent du Festival de Locarno) et chaque nouvel opus suscite à la fois un sentiment très agréable de retrouvailles avec un univers familier et une impression ébahie de jamais-vu.
On retrouve donc dans Haewon et les hommes un petit monde que le réalisateur connaît bien puisqu’il anime des ateliers consacrés au scénario et à la mise en scène à l’université de Konkuk (demandant à ses étudiants « de faire un film à partir de choses qu’ils aiment vraiment ou qu’ils observent au quotidien »), mais aussi des personnages (le couple Yu Yunsang et Ye Yiwon, venu tout droit de Ha Ha Ha) et des motifs récurrents de son œuvre (le principe de répétition, la frontière à peine discernable entre rêve et réalité, le goût pour les situations embarrassantes qui dérapent irrésistiblement) mais qui trouvent ici des variations encore une fois surprenantes et inédites : les couleurs atmosphériques d’une autre saison (le plan noyé dans le brouillard juste après une remarque sur le beau temps inattendu qu’il fait en ce début de printemps), d’autres lieux (le quartier de Seochon à Séoul, l’imposant Fort de Namham, la bibliothèque de l’université), des personnages nouveaux, à commencer par l’étonnante et exotique protagoniste, Haewon (Jung Eunchae), fille de riches, un peu « enfermée dans son propre monde » (Hong Sang-soo dixit), à la fois forte et mal à l’aise dans son environnement (elle rêve qu’on la traite de métisse) et dont la vague ressemblance avec Charlotte Gainsbourg fournit l’argument de la rencontre incongrue avec Jane Birkin qui ouvre le film, fruit du heureux hasard d’un concert de la chanteuse à Séoul.
Les effusions qui font soupçonner très vite le caractère onirique de cette séquence initiale placent tout le film sous le signe de la distorsion (d’abord légère, puis s’accentuant chaque fois imperceptiblement), de la gaffe (la serveuse dans le bar : « Cela fait longtemps que vous n’êtes pas venus ») et de l’excès.
Soudain, on se met à parler trop fort (le génial Lee Sunkyun, plus drôle et délirant que jamais dans le rôle de Seongjun), à poser des questions trop directes (l’étudiant dans la bibliothèque : « Tu n’a rien d’autre à me raconter ? Prends ton temps. »), à dire tout haut tout ce que la politesse veut qu’on garde pour soi (au jeune libraire : « Vous aussi vous êtes mignon ! » ; la tablée d’étudiants se mettant à dénigrer violemment Haewon dès que celle-ci s’absente pour aller aux toilettes), à poser trop bruyamment verres et bouteilles sur la table (un morceau d’anthologie, hallucinant) et les situations ne cessent de s’emballer pour prendre une tournure angoissante et irrésistiblement comique.
Mais ce côté joyeusement cauchemardesque n’éloigne pas Haewon et les hommes du réel (les rêves sont « une autre réalité » dit Hong Sang-soo) et ce cinéma du plus proche est animé par le goût du concret, du palpable (le lecteur de cassette audio au son exécrable mais qu’on écoute béatement ; la pellicule devenue désormais inaccessible et remplacée par une image numérique impeccable) et par la conviction que c’est dans son environnement immédiat, son quotidien, et non pas en partant au loin qu’on peut découvrir « des choses nouvelles ». C’est donc à juste titre que le cinéaste considère qu’en explorant inlassablement son petit monde il réalise des « films de voyage ». Celui-ci en est un, des plus aventureux et exaltants.
Le choix du rédacteur
Votre avis
Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.