Compteurs à zéro
Le 12 février 2021
Facétieuse et déroutante, la nouvelle variation du système Hong Sang-soo, fait une fois de plus surgir l’insaisissable sous une évidence qui ne cesse de se dérober. Drôle, émouvant, jubilatoire.
- Réalisateur : Hong Sang-soo
- Acteurs : Yu Jun-sang, Sangjoong Kim (KIM Sangjoong), Song Seon-mi, Bokyung Kim (KIM Bokyung), Hyunjung Go (GO Hyunjung)
- Genre : Comédie dramatique, Noir et blanc
- Nationalité : Sud-coréen
- Distributeur : Les Acacias
- Durée : 1h19mn
- Titre original : Book chon bang hyang
- Date de sortie : 16 mai 2012
- Plus d'informations : Site Les Acacias
- Festival : Festival de Cannes 2011
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Critique : Tourné en une semaine dans les derniers jours de l’année 2010, Matins calmes à Séoul (The Day He Harrives) est une nouvelle et brillante déclinaison, cette fois ci en un lumineux noir et blanc*, de la méthode Hong Sang-soo. A son habitude, le cinéaste s’est imposé au départ quelques contraintes d’ordre quasi mathématique pour laisser ensuite les choses se mettre en place et les situations se développer pour ainsi dire d’elles-mêmes, le travail du metteur en scène consistant essentiellement à écarter les obstacles qui pourraient gêner cette auto-genèse du film et à empêcher l’entreprise de s’enfermer dans le piège d’un système fermé. La décision la plus radicale, une fois la machine lancée, a d’ailleurs été, d’après lui, de suspendre brièvement le tournage le dernier jour pour attendre l’arrivée annoncée de la neige sur Séoul.
L’idée de départ est ici celle de la répétition de scènes identiques sans que des repères temporels permettent de savoir si elles sont proches ou éloignées, les personnages semblant de plus les vivre à chaque fois comme nouvelles avant que certains indices ne révèlent qu’ils ont quand même gardé, peut-être, un vague souvenir de la fois précédente. Ces répétitions créent la sensation troublante que les compteurs sont sans cesse remis à zéro et que rien n’est jamais acquis (et surtout pas les sentiments amoureux), un retour à la case départ remettant systématiquement en question la direction qui semblait prise précédemment.
Le trouble ainsi produit tient aussi à la part d’indécidable des situations et des relations qui s’établissent entre les personnages. L’un d’eux d’ailleurs est double puisque la même actrice (Kim Bokyung) interprète l’ancienne maîtresse que le protagoniste retrouve au début (Tu habites encore ici ? demande t-il en frappant à la porte) et la patronne du bar qui la lui rappelle étrangement.
Indécidable aussi est le ton du film, résolument drôle et léger, mais toujours au bord du dérapage. Comme souvent chez Hong Sang-soo, les retournements imprévus déroutent jusqu’à créer presque un sentiment de gêne : le héros s’emportant soudain contre les étudiants de rencontre avec qui il avait l’air de si bien s’entendre et qui n’en reviennent pas (on a fait quelque chose de mal ?) ou se mettant tout à coup à sangloter sans retenue (J’ai fait bonne figure longtemps, mais là ça ne va plus) ; la jeune femme toujours souriante et de bonne humeur qui laisse libre cours au désarroi causé par la disparition de son « pauvre chien qui doit vouloir rentrer ».
S’il est indubitablement facétieux Hong Sang-soo n’est pas un « petit malin » et le système qu’il met ingénieusement en place ne sert qu’à faire surgir l’insaisissable et la complexité sous une évidence de façade qui ne cesse en fait de se dérober. Et la connivence qu’installe le cinéaste avec le spectateur ne se fait pas sur le dos des personnages dont le ridicule révèle les failles sous la feinte assurance, les rendant très attachants et laissant s’installer souvent une émotion non envahissante, par exemple quand, marchant avec la patronne du bar sous la neige, le héros l’embrasse sans crier gare, puis l’embrasse encore jusqu’à ce qu’elle finisse par lui demander gentiment : « On va rentrer maintenant ? »
Comment se lasser de l’émulsion jubilatoire produite par ce cinéma qui, tout en reprenant sans cesse les mêmes motifs, se renouvelle à chaque fois et réussit à surprendre tout en procurant la joie de retrouver de film en film un ton inimitable et devenu familier ?
Lire aussi l’avis à chaud de Gérard Crespo après la projection cannoise de 2011.
- The day he arrives (Matins calmes à Séoul)
*Le film a été en fait tourné en couleur puis tiré en noir et blanc.
Seungjun, un professeur de faculté autrefois cinéaste, vient rendre visite à son ami Yougho à Séoul. Il déambule dans le quartier de Bukchon, au nord de la capitale. Il rencontre de jeunes étudiants en cinéma qui finissent par l’exaspérer puis renoue, le temps d’une nuit, avec son ancienne maîtresse Kyungjin. Le lendemain, il rejoint dans le restaurant "Le roman" Yungho et son amie Boram et fait connaissance de Yejeong, la jeune et jolie patronne de l’établissement. Les rencontres et discussions se poursuivent au fil des jours, dans un espace-temps indéfinissable, jusqu’à ce qu’une jeune inconnue ne le prenne en photo, ne fixant de lui qu’un visage mélancolique et distrait...
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