Le 17 mars 2022
- Distributeur : Le Pacte
En couple à la ville, les producteurs Marie Dubas et Jean des Forêts travaillaient pour la première fois ensemble sur La vraie famille de Fabien Gorgeart, sorti le 16 février dernier. Ils ont accepté avec beaucoup de sympathie de répondre à cette interview croisée.
AVoir-ALire : Comment êtes-vous venus à la production cinématographique ?
1. Marie Dubois : J’ai grandi à Angers où se tient chaque année le festival "Premiers Plans" consacré à de premiers films européens. J’y ai forgé les bases de ma cinéphilie. Vers l’âge de quatorze ans, j’ai eu l’idée de faire du cinéma mon métier et un peu plus tard, au lycée, une série de rencontres liées au hasard m’ont conduite à faire mon premier stage dans une société de production. J’ai ensuite étudié les lettres modernes et la philosophie avant de revenir à la production. J’ai commencé à travailler vers vingt et un ans. J’ai tout appris "sur le tas" sans faire d’école de cinéma.
2. Jean des Forêts : Dès l’enfance, j’ai voulu travailler dans le cinéma à « organiser des films ». En fin de terminale, alors qu’il fallait choisir une filière menant à des études supérieures, j’ai lu un entretien de Bertrand Tavernier dans lequel il disait qu’il ne fallait, selon lui, qu’un seul diplôme pour travailler dans le cinéma : le permis de conduire. Ça m’a semblé être une bonne orientation... au grand dam de mes parents. J’ai donc scellé avec eux un pacte « passe ton bac d’abord ». Après l’avoir obtenu, je me suis tout de suite mis à travailler, mais pas tout de suite dans le cinéma.
Un jour, j’ai répondu à une annonce pour un stage dans une maison de production. On m’avait dit que la production me permettrait d’embrasser l’ensemble du processus de fabrication et de création d’un film et d’identifier ce qu’« organiser des films » signifiait vraiment pour moi. Mais en fait, j’ai compris immédiatement que « produire des films » correspondait à ce que je voulais faire depuis toujours. J’avais vingt ans.
J’ai ensuite passé une douzaine d’années à travailler pour d’autres, principalement comme assistant de production, un peu comme assistant de mise en scène, puis comme « producteur junior ». Et j’ai finalement pris mon indépendance en 2010.
AVoir-ALire : En quoi consiste un peu plus précisément votre métier, finalement peu connu du grand public ?
1. Marie Dubas : Je crois que chaque producteur indépendant exerce son métier à sa façon, selon ses affinités. Nous sommes tous différents. Certains aiment les tournages et la fabrication, d’autres sont d’excellents chefs d’entreprise et savent obtenir le meilleur d’une équipe… Pour ma part, j’aime consacrer l’essentiel de mon temps au dialogue créatif avec les auteurs avec qui je travaille et c’est pourquoi je me consacre principalement à l’accompagnement de l’écriture de leurs scénarios.
Tout le reste, selon moi, en découle. Quand on a entre les mains un texte solide et singulier dont on connaît bien les intentions, élaborer une stratégie de financement peut devenir un exercice ludique. Contrairement à une idée très répandue, les producteurs, dans leur immense majorité, ne financent pas les films eux-mêmes. Ils présentent leur projet à des institutions dont la fonction est de financer des films : le CNC (Centre national de la cinématographie), les collectivités territoriales, les chaînes de télévision… En France, on a la chance d’avoir hérité d’une politique culturelle volontariste qui incite de nombreux acteurs du marché à investir dans le cinéma indépendant. C’est un secteur compétitif, mais qui reste ouvert à un grand nombre de producteurs et réalisateurs.
Le moment de la préparation du tournage du film et du tournage lui-même demande une grande vigilance, parce que le producteur est légalement responsable de l’ensemble des personnes qu’il embauche. Mais le fonctionnement d’une équipe de tournage est très hiérarchisé et si l’on travaille avec des techniciens aguerris, on peut déléguer en toute confiance. Nous accordons donc beaucoup de soin au recrutement des principaux chefs de poste.
J’aime également poursuivre ce dialogue créatif au moment du montage image, qui est un prolongement direct de l’écriture du scénario.
Puis vient le moment de la distribution du film, au cours duquel nous sommes très sollicités sans pour autant être complètement maîtres de ce qui se passe. Le producteur est, au fond, celui qui rend le film possible, qui permet à l’auteur de faire concrétiser une vision et une intention esthétiques. Il est réputé tout savoir du film et j’ai souvent l’impression qu’au fond, sa mission principale est de faire en sorte que tous ceux qui sont concernés par tel ou tel aspect du développement, de la fabrication ou de la distribution du film (ce qui représente au total une centaine de personnes), obtiennent les mêmes informations au même moment. C’est un métier qui requiert de l’organisation et du bon sens. Pour bien l’exercer, il me semble qu’il convient d’être déterminé(e), stoïque, enclin à la prise en charge de responsabilités, à l’organisation du travail en groupe et à la formulation d’un jugement esthétique.
2. Jean des Forêts : Je pense qu’une des raisons premières qui fait que les gens ont du mal à comprendre en quoi consiste ce métier, c’est qu’il y a presque autant de façons de l’exercer qu’il y a de producteurs. En ce qui me concerne, j’aspire à trouver une complicité avec des metteurs en scène et à imaginer avec eux les meilleures manières de faire exister et aboutir leurs projets. Mais je sais que c’est une réponse vague.
Alors je suggère de se reporter à The Bad and the Beautiful(Les ensorcelés 1952) de Vincente Minnelli, d’abord parce que c’est un film merveilleux, mais également parce que personne n’a mieux su définir l’idée que je me fais d’un producteur. Les cinq dernières minutes du film répondent tellement mieux à cette question que je ne saurais le faire en dix pages d’entretien.
AVoir-ALire : Avec "producteur", on pense immanquablement financement. Est ce l’essentiel de vos préoccupations ?
1. Marie Dubois : Le financement représente entre 10 et 20 % de mon temps de travail lorsque les choses se passent bien. Le fait d’administrer les financements obtenus prend en revanche énormément de temps. Puisqu’un film de fiction implique une cinquantaine de techniciens, et que l’activité de chacun d’entre eux relève de la mini-entreprise, nous devons classer et déclarer pour chaque film un nombre considérable de documents comptables. Nous devons les transmettre aux organisations publiques qui financent le film et être à tout moment en mesure de satisfaire à un audit de notre activité. J’ai pour ma part complètement délégué cette partie de mon travail il y a deux ans.
2. Jean des Forêts : Je pense qu’une des choses à laquelle je prétends, c’est à faire que le financement soit justement secondaire dans la liste de mes préoccupations. Plus on peut consacrer de temps au reste et mettre son imagination à l’œuvre, plus on est en mesure d’apporter au film. Mais il vrai que parfois, on est complètement mobilisé par des questions financières. Ça n’est pas toujours un mal pour le film parce que certains cinéastes sont très autonomes et ne cherchent pas particulièrement la collaboration avec un producteur. Ce qu’ils veulent, c’est juste bénéficier des moyens qu’exige leur film. À l’inverse, il arrive qu’on soit en présence d’un cinéaste qui appelle de ses vœux une contribution autre que pécuniaire et qu’on ne soit pas vraiment en mesure de la lui apporter parce que justement, on doit se consacrer à l’aspect économique. Auquel cas c’est très frustrant, pour l’un comme pour l’autre.
AVoir-ALire : Jusqu’où peut aller votre implication dans la construction d’une œuvre ?
1. Marie Dubas : C’est variable. Tout dépend de la nature de la relation établie avec l’auteur du film. Certains ont le besoin de nous consulter très régulièrement, d’autres aiment mieux accomplir un certain nombre d’étapes dans leur coin. J’aime être très impliquée dans l’écriture et au montage ; j’aime beaucoup réfléchir au casting, mais généralement je ne suis pas très présente sur les tournages où il ne peut y avoir qu’un maître à bord. J’estime que si le dialogue autour du scénario a été bien construit, il n’y a aucune raison que le réalisateur oublie son intention en cours de tournage. Et s’il l’oublie, c’est qu’il a encore des choses à apprendre de la confrontation de son désir avec les limites imposées par la contingence - et je ne suis pas certaine de pouvoir l’aider à faire cet apprentissage.
2. Jean des Forêts : Je reconnais là une des questions qui m’a longtemps taraudé et qu’on m’a le plus posée : Quelle est la limite ? Est-ce que certaines idées viennent du producteur ?
Un des réalisateurs, avec qui je travaille, a failli devenir tennisman professionnel avant de se tourner vers le cinéma. Un jour qu’une productrice lui demandait s’il regrettait parfois d’avoir abandonné sa carrière sportive, il a répondu que ce qui lui manquait c’est que lorsqu’il jouait au tennis, il savait qu’il était en train de faire la chose pour laquelle il était vraiment doué. Ce à quoi elle a rétorqué, un peu flatteuse, qu’il était également doué pour le cinéma. Il lui a répondu : « sur un court de tennis, on est seul et on est un responsable de tout ce qui nous arrive, tandis que le cinéma est un sport d’équipe ».
Je pense que votre question, si on l’appliquait au football, reviendrait à demander à un ailier « jusqu’où peut aller son implication dans un match ? ». Parfois l’ailier a marqué le but de la victoire, parfois il est celui qui s’est troué sur le but qui a scellé la défaite, parfois son rôle a été relativement neutre.
AVoir-ALire : A quels films avez vous déjà participé avant "La vraie famille" ? Et avec quelles motivations ?
1. Marie Dubas : J’ai produit une quarantaine de courts-métrages, dont quatre avec Fabien Gorgeart, le réalisateur de La vraie famille. J’ai aussi produit une douzaine de documentaires et coproduit des films étrangers. Je m’engage à produire un film lorsque j’ai la conviction qu’il va m’apprendre quelque chose qui m’intéresse, un aspect du monde que je n’aurai pas pu saisir sans lui, et quand j’ai le sentiment d’être la bonne personne pour le produire. Il ne m’est jamais arrivé de m’engager sur un projet par opportunisme. Je crois que sinon, je n’aurais pas le courage de me lever le matin. Et si la production est un métier qui présente beaucoup de contraintes et dans lequel on peut souvent se sentir assez seul, on jouit de la liberté inestimable de pouvoir ne travailler que sur des projets qui nous intéressent, avec qui on veut, quand on veut. C’est un grand privilège.
2. Jean des Forêts : Mes raisons de produire un film sont, peu ou prou, toujours les mêmes : j’aurais envie de voir ce film que j’ai l’impression de ne pas avoir déjà vu.
J’ai produit Grave, le premier film de Julia Ducournau. Un conte initiatique cannibale, qui a valu à Julia une reconnaissance internationale. Même si j’ai beaucoup de chance d’avoir commencé par ce film, j’ai d’abord cru qu’il allait m’inhiber tant il représentait une expérience de producteur idéale, de la première à la dernière minute. Ça a été une collaboration très dynamique avec Julia, de formidables rapports avec nos coproducteurs et partenaires, et une réception très enthousiaste à Cannes.
Ce que je n’avais pas vu venir, c’est que le premier bénéfice que je tirerais de ce film serait la liberté de choisir mes projets à venir de façon parfaitement partiale, sans qu’on me cantonne à un genre.
J’ai ensuite produit le premier long métrage de Fabien Gorgeart. À plusieurs titres, Diane a les épaules (2017) préfigure en quelque sorte La vraie famille : c’est une façon détournée de raconter une séparation entre une mère qui n’en est pas vraiment une et un enfant qui n’est pas vraiment le sien. Mais surtout il y a une chose que Fabien poursuit déjà et qui est rare, c’est cette volonté de traduire en langage cinématographique cet état émotionnel irrépressible qu’on appelle l’affect.
Puis j’ai produit un film qui s’appelle La fille au bracelet de Stéphane Demoustier (2019) qui dissèque le déroulement d’un procès d’assises et interroge sur notre rapport à la jeunesse et à ses mœurs. Mais c’est surtout un film qui est narratif sans reposer sur l’empathie : nous sommes tenus à distance de la protagoniste et nous passons cent minutes à tenter de la déchiffrer grâce à un dispositif cinématographique très minutieux.
J’ai également produit Earwig (2021) , le troisième film de Lucile Hadzihalilovic, une réalisatrice trop rare - qualifiée dans un article que j’avais lu de « secret le mieux gardé du cinéma français ». L’année de mon stage en production, j’avais découvert le moyen métrage de Lucile La bouche de Jean-Pierre (1996). C’était la première fois que j’avais l’impression de découvrir un film avant tout le monde. Personne dans mon entourage n’en avait même entendu parler. Depuis, je n’ai cessé de suivre son travail. J’avais toujours eu envie de travailler avec elle. Je n’en dis pas plus sur le film Earwig parce qu’il n’est pas encore sorti.
AVoir-ALire : Privilégiez-vous les courts ou les longs métrages dans vos choix ?
1.Marie Dubas : Je privilégie désormais les longs-métrages parce que j’ai produit suffisamment de courts-métrages pour avoir la sensation d’avoir appris l’essentiel de ce qu’il y avait à apprendre à ce sujet, du point de vue de ma pratique de productrice. Mais c’est un format pour lequel je conserve une profonde affection, en particulier parce qu’on est presque intégralement libéré de la pression du résultat lorsqu’on accompagne un court-métrage. Lorsqu’on produit un court, on pousse l’auteur à être le plus audacieux possible, à affirmer un ton et un style. Néanmoins c’est une pratique chronophage et qui ne peut être lucrative que si on produit des courts-métrages à une échelle quasi-industrielle. Ce qui ne laisse pas le temps de produire des longs métrages. A un moment de mon parcours, j’ai eu envie de me confronter à des récits plus amples, à des techniques narratives plus raffinées.
2.Jean des Forêts : J’ai produit des courts métrages avant d’être à mon compte. Aujourd’hui, je ne le fais pour ainsi dire plus, parce que c’est un métier à temps plein et que ça n’est plus le mien.
AVoir-ALire : Combien de temps peut vous prendre un film et comment est il reparti (dans les grandes lignes) ?
1. Marie Dubas : C’est très variable. La vraie famille , c’est dix-huit mois d’écriture, six mois de financement (pendant lesquels on continue d’affiner le récit), trois mois de préparation, deux mois et demi de tournage, six mois de post-production (montage et finitions), six mois de promotion et six semaines en salles. Le film va poursuivre sa vie ensuite, mais ça ne me demandera presque plus de travail. Le film s’est donc fait en quatre ans et ça ne me semble pas très long. Un court-métrage demande facilement deux ans de travail.
Je travaille en moyenne sur cinq ou six projets en même temps, qui sont tous à des stades divers de leur production et demandent un engagement différent. C’est le luxe de notre métier que de pouvoir nous nourrir de projets différents en permanence, et c’est aussi un écueil possible : on peut zapper d’un projet à l’autre sans jamais se consacrer à une réflexion approfondie sur les spécificités de tel ou tel projet. Car au fond, notre rôle est d’offrir à un film les conditions les plus favorables à l’accomplissement de son plein potentiel. Définir ces conditions demande du temps, de la concentration, plusieurs échanges avec plusieurs personnes.
2. Jean des Forêts : En ce qui me concerne, la phase la plus longue a toujours été celle du développement, c’est à dire celle qui va du moment où il y a une idée de film à celui où on a réuni les moyens techniques et humains qui permettent de le fabriquer. Cette phase peut prendre entre un à cinq ans, dont les deux tiers au moins sont consacrés à l’écriture et un tiers au financement.
La fabrication à proprement parler, c’est-à-dire la préparation du tournage, le tournage et la post-production (montage, mixage, etc.) représente en général un peu moins d’un an. S’ensuivent la livraison aux mandataires (distributeurs, vendeurs, diffuseurs), la première du film (parfois dans un festival), la promotion puis la sortie : tout cela s’étale en général sur six mois.
AVoir-ALire : Quelles sont pour vous les particularités liées à la production de La vraie famille, qui vient de sortir ?
1. Marie Dubas : Ce film implique dans l’immense majorité de ses plans des enfants très jeunes. Les enfants ne sont pas des comédiens professionnels mais on peut tout de même obtenir d’eux une grande qualité de jeu. Nous savions que les enfants seraient au centre de notre dispositif de fabrication et avons tout organisé en fonction d’eux. Les mouvements de caméra, l’éclairage des scènes, les décors, le choix des principaux chefs de poste… Nous avons eu la chance de travailler avec trois comédiens adultes (Mélanie Thierry, Lyes Salem et Félix Moati) qui se sont approprié cette démarche et l’ont rendu possible, car ils étaient auprès des enfants comme des relais des intentions de Fabien Gorgeart, le réalisateur. C’était une expérience particulièrement riche en émotion, mais apaisée aussi : tout le monde doit être particulièrement calme sur un plateau quand les acteurs sont des enfants, qui eux ont toujours tendance à être survoltés !
Le tournage a eu lieu en pleine deuxième vague de Covid, alors que le pays entrait de nouveau en confinement. Toute l’équipe était heureuse de pouvoir sortir de chez soi, de continuer à travailler, de participer à un projet collectif.
2. Jean des Forêts : L’un des objectifs premiers, c’était de faire un mélodrame. Un genre un peu passé de mode.
Le travail de fond, c’est à dire l’accompagnement au quotidien, c’est Marie qui l’a conduit.
Moi, je m’en suis tenu à proposer régulièrement un point de vue distancié. Quand on produit un film, on est presque aussi immergé que le réalisateur et on manque souvent de recul. Une fois que Marie et Fabien se sont fixés cet objectif clair à l’écriture, j’ai fait ce que j’ai pu pour les aider à garder ce cap.
On se l’est beaucoup dit depuis qu’on a terminé le film mais le mélodrame a une caractéristique qui rend son écriture particulière : il n’y a pas, à proprement parler, d’antagoniste. Les personnages luttent contre un état de fait qui est une entrave à leurs aspirations. Et comme un état de fait est, par définition, inéluctable, c’est compliqué de créer de la tension. Si on y réfléchit, dans La vraie famille, au bout de dix minutes, on sait comment cela va se terminer. Alors comment tenir le spectateur en haleine ?
AVoir-ALire : A ce stade , considérez-vous ce film comme une réussite (à tous les égards) ?
1. Marie Dubas : Oui, parce que, comme j’ai appris à le faire il y a quelques années, je m’étais assigné des objectifs précis. Je voulais que ce film démontre que je suis capable de produire un film français, car c’était mon premier. Je voulais qu’il permette au réalisateur de s’assurer qu’il pourrait en refaire un. Et je voulais qu’il enregistre au moins trois fois le nombre d’entrées du précédent film du réalisateur. Tous ces objectifs sont remplis, je suis comblée ! Plus sérieusement, je mesure ma chance d’avoir produit un film qui suscite une émotion si vive chez la plupart de ses spectateurs. C’est la première fois que cela m’arrive et c’est une expérience très forte. Jusqu’ici, il m’était arrivé de produire des films qui faisaient rire, plaisaient, touchaient… mais pas un film dont les gens vous disent : « il m’a bouleversé ». J’ai compris qu’un film peut être une expérience collective, qu’aller voir un film au cinéma et en partager l’émotion avec d’autres spectateurs, c’est, d’une certaine façon, faire société. Cette idée donne un nouveau sens à ma pratique et m’investit d’une nouvelle responsabilité.
2. Jean des Forêts : J’aimerais bien pouvoir répondre « oui » sans fléchir mais ça n’est pas tout à fait le cas. Le film lui-même est une réussite et pour tout dire, j’en ai eu la certitude après avoir visionné la première semaine de rushs. Il y a des choses que Fabien maitriserait, je le savais, donc je n’étais pas vraiment inquiet. Mais il y avait une question essentielle concernant l’incarnation du dilemme, très intérieur, qui habite la protagoniste. Quand j’ai vu l’intensité que Mélanie Thierry mettait dans des scènes qui, à l’écriture, paraissaient anodines, j’ai compris que le film serait réussi. Le film que je me suis représenté à cet instant-là est en tout point celui que nous avons aujourd’hui.
Pour autant, la sortie et l’exploitation du film me laissent un goût un peu amer. Le contexte est certes très difficile (entre -30 et -40% par rapport à l’année pré-Covid) mais je ne peux pas me satisfaire de cette simple explication. Surtout quand je vois la manière dont le film est reçu par les spectateurs la plupart du temps. J’ai le sentiment qu’on n’a pas trouvé la bonne façon de le sortir. Qu’on aurait dû se poser plus de questions sur la date, la façon de le positionner auprès du public. Mais après, comme on dit en distribution : on est toujours plus malin le jeudi matin...
AVoir-ALire : Que pouvez-vous dire de vos projets ?
1. Marie Dubas : Je suis en train de terminer deux documentaires, dont l’un, intitulé Relaxe et réalisé par Audrey Ginestet, sera présenté pour la première fois au festival "Cinéma du Réel" à Paris en mars. L’un des auteurs avec qui je travaille régulièrement, Antoine Giorgini, vient de tourner un court-métrage qui entre en montage. A l’automne, je tournerai un long-métrage de fiction au Vietnam, une coproduction qui implique six pays. Et si tout va bien, je tournerai à l’été 2023 un premier long-métrage de fiction qui sera une comédie, ainsi que ma première série de fiction en six épisodes, qui est un thriller politique.
2. Jean des Forêts : Très peu de choses. J’évite de parler des projets qui sont encore en développement. Quant à ceux qui sont déjà entrés en production, la manière d’en parler doit être le fruit d’une concertation avec nos partenaires distributeurs et vendeurs. Je resterai donc laconique : nous sommes en montage d’un premier film marocain d’une réalisatrice qui s’appelle Yasmine Benkiran et sommes actuellement à quelques semaines de l’entrée en tournage d’un nouveau Stéphane Demoustier.
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