Le 4 décembre 2024
En mettant sur les écrans le thème si sensible et complexe de la justice restaurative, Jeanne Herry confirme son formidable talent de conteuse et d’observatrice de la société française. Un grand film avec de grands acteurs.


- Réalisateur : Jeanne Herry
- Acteurs : Jean-Pierre Darroussin, Élodie Bouchez, Denis Podalydès, Miou-Miou, Gilles Lellouche, Leïla Bekhti, Adèle Exarchopoulos, Fred Testot, Anne Benoît, Catherine Arditi, Suliane Brahim, Dali Benssalah, Raphaël Quenard, Birane Ba
- Genre : Drame carcéral
- Nationalité : Français
- Distributeur : StudioCanal
- Durée : 1h58mn
- Date télé : 4 décembre 2024 23:15
- Chaîne : Ciné+ Premier
- Date de sortie : 29 mars 2023

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Résumé : Depuis 2014, en France, la Justice restaurative propose à des personnes victimes et auteurs d’infraction de dialoguer dans des dispositifs sécurisés, encadrés par des professionnels et des bénévoles comme Judith, Fanny ou Michel. Nassim, Issa, et Thomas, condamnés pour vols avec violence ; Grégoire, Nawelle et Sabine, victimes de homejacking, de braquages et de vol à l’arraché ; mais aussi Chloé, victime de viols incestueux, s’engagent tous dans des mesures de Justice restaurative. Sur leur parcours, il y a de la colère et de l’espoir, des silences et des mots, des alliances et des déchirements, des prises de conscience et de la confiance retrouvée… Et au bout du chemin, parfois, la réparation...
Critique : Jeanne Herry ne fait pas que mettre en scène. Elle écrit ses propres dialogues et scénarios, ce qui, dans son troisième long-métrage Je verrai toujours vos visages, présage d’un don infini à s’approprier les univers les plus complexes de la société française tout en fabriquant un cinéma vivant et de qualité. Il faut ajouter que la réalisatrice s’entoure une nouvelle fois de comédiens extrêmement talentueux qui habitent avec une grande densité leurs personnages, qu’il s’agisse de victimes ou d’auteurs d’infractions pénales ou de crimes. En réalité, deux récits parallèles se déploient sur l’écran : celui d’un groupe de parole directement en centre pénitentiaire qui réunit des délinquants condamnés et des victimes, et celui de la préparation d’une jeune femme à revoir son frère qui avait abusé d’elle pendant son enfance.
- Copyright Christophe Brachet - 2022 – CHI-FOU-MI PRODUCTIONS – TRESOR FILMS – STUDIOCANAL – FRANCE 3 CINEMA
La réalisatrice met en musique une expérience judiciaire et thérapeutique presque à la manière d’un reportage joué par des acteurs. Elle évite avec justesse l’écueil de la série de télévision ancrée dans un univers professionnel particulier, qui au-delà des situations professionnelles, se plaît à aller regarder les existences privées des héros ordinaires. Ici, le récit ne s’écarte en aucun cas des groupes de parole ou des préparations de la victime à rencontrer son abuseur. Le propos vise à faire découvrir chez le spectateur les techniques, les bénéfices mais aussi les limites de cette prestation judiciaire où victimes et auteurs tentent de se réparer. On perçoit la complexité de mettre en face à face des personnes irréconciliables, sans prendre parti pour l’un ou l’autre. En effet, Jeanne Herry montre que le passage à l’acte délinquant s’origine toujours dans un passé douloureux, qu’il est parfois impossible d’en sortir, tout en décrivant avec sensibilité les traumatismes profonds qui habitent les victimes et leurs proches.
- Copyright Christophe Brachet - 2022 – CHI-FOU-MI PRODUCTIONS – TRESOR FILMS – STUDIOCANAL – FRANCE 3 CINEMA
Je verrai toujours vos visages est un film d’acteurs. Il rend hommage à un métier, souvent jalousé ou adulé, qui ne peut s’exercer sans se fondre profondément dans la psychologie et les émotions des personnages qui sont joués. Bechkti, Exarchopoulos, Bouchez, Benssalah, Darroussin, Lellouche, Miou-Miou, autant de grands noms du cinéma et du théâtre qui brillent dans ce long-métrage puissant. Rien ne sonne faux dans l’interprétation des comédiens. Les dialogues, les tonalités de voix, les poses sont tous très justes, inscrits dans une réalité complexe où la limite entre le bien et le mal demeure difficile à écrire. On aurait presque pu tomber dans les excès autobiographiques de Maïwenn sous couvert de plongée dans le monde peu connu de la justice. Au contraire, les acteurs se contentent d’un jeu digne, austère, précis, refusant les simagrées ou les larmes inutiles. Du coup, le long-métrage restitue de façon brute, authentique, un ensemble d’expériences sociales dont il faut se garder de généraliser le bien-fondé.
- Copyright Christophe Brachet - 2022 – CHI-FOU-MI PRODUCTIONS – TRESOR FILMS – STUDIOCANAL – FRANCE 3 CINEMA
Je verrai vos visages fait aimer le cinéma. Si l’affiche annonce fièrement "exclusivement au cinéma", c’est sans doute pour rappeler que certaines œuvres n’ont d’autre destin que d’exister sur un grand écran.
- © Studiocanal