Hubert-Félix Thiéfaine : à fleur de peau

Trois ans après Suppléments de mensonge, Thiéfaine ravive une fois de plus la flamme avec son public. Sa Stratégie de l’espoir est un bijou.

Sa collaboration avec son fils Lucas, à peine 21 ans, est exceptionnelle ! C’est ce que l’on se dit à l’écoute du dernier album Hubert-Félix Thiéfaine, 17e opus d’une longue lignée dans une discographie à l’écart des hit-parades, et pourtant gratifiantes de quelques-uns des plus beaux joyaux de la chanson française de ces 30 dernières années. Contestataire devant l’Eternel (l’engagé Karaganda Camp 99, notamment), Thiéfaine revient à fleur de peau avec un ouvrage home-made, où le temps a passé, mais où la mémoire ne lui fait pas défaut, dixit l’emballant et mélancolique Résilience Zéro ou le titre finale, l’infiniment touchante Le toboggan, qui synthétise tout son talent d’auteur et de parolier. Si la musique excelle, avec des arrangements riches, des compositions souvent emportées, c’est dans les mots que Thiéfaine nous fait basculer dans l’adhésion absolue. Poète avant tout, qu’il parle d’amour, de politique (l’allusion à l’idiot devenu président) ou de l’approche inéluctable de la mort, qui ouvre et clôt cet album écorché, l’artiste triomphe... La chanson En remontant le fleuve, de par sa puissance musicale, la force des images utilisées, souvent religieuses ou mystiques, et la gravité d’une voix pourtant si vulnérable, confine au sublime et donne le ton d’une oeuvre magnifique, qui n’est pas sans évoquer, en moins commercial certainement, le dernier Hallyday, qui était lui aussi salutaire.
Bref, Hubert-Félix Thiéfaine, sur scène en 2015, délivre ni plus ni moins un chef d’oeuvre contemporain, au coeur d’une Médiocratie de réseaux sociaux qu’il abat de sa plume assassine, manifestant plus de pertinence qu’une impertinence accessible à tout à chacun.

Stratégie de l’inespoir, Columbia/Sony Music.