Sur la touche
Le 1er juin 2010
Sous des airs de "petit film", une œuvre profonde sur l’oppression et les contradictions de la société iranienne.
- Réalisateur : Jafar Panahi
- Acteurs : Sima Mobarak Shahi, Safar Samandar, Shayesteh Irani
- Genre : Comédie dramatique
- Nationalité : Iranien
- Editeur vidéo : MK2 Video
– Durée : 1h28 mn
– Titre original : Offside
Sous des airs de "petit film", une œuvre profonde sur l’oppression et les contradictions de la société iranienne.
L’argument : Qui est cet étrange garçon assis tranquillement dans le coin d’un bus rempli de supporters déchaînés en route pour un match de foot ? En réalité, ce garçon effacé est une fille déguisée.
En Iran, les femmes aussi aiment le foot, mais elles ne sont pas autorisées à entrer dans les stades. Avant que le match ne commence, elle est arrêtée et confiée à la brigade des mœurs. Pourtant, cette jeune fille refuse d’abandonner. Elle use de toutes les techniques possibles pour voir le match, malgré tout.
Notre avis : Jafar Panahi, l’un des meilleurs cinéastes iraniens du moment, poursuit tranquillement, malgré les bâtons dans les roues, son exploration de l’Iran contemporain. Il le dit lui-même, il souhaite témoigner, faire œuvre d’historien. Hors jeu, dans son sujet comme sa forme, s’inscrit parfaitement dans cette démarche.
L’argument en est mince : il s’attache aux basques de quelques jeunes femmes qui, ayant réussi à franchir l’enceinte du stade, sont repérées et arrêtées. Elles vivront le match de l’extérieur, mais tout près, ce qui revêt une grande force métaphorique (la séparation privé/public). Le temps du récit s’écoule sur seulement quelques heures et formellement, le film s’apparente au documentaire, nombre de scènes ayant été tournées sur le lieu et au moment même du match. L’emploi de la DV, le fait que l’on ne parvienne pas toujours à distinguer ce qui est filmé sur le vif de la reconstitution, renforce cette impression de captation du réel quand la construction du récit, les dialogues, la typologisation des personnages nous ramènent dans le champ de la fiction. Les multiples contraintes imposées à l’auteur (obligé de biaiser en permanence avec la censure, de travailler avec des moyens extrêmement réduits, sans parler de l’issue incertaine du match) ne rend que plus éclatante la réussite de ce film. Ce qui n’aurait pourtant pas la même force sans les idées qu’il défend.
Car Jafar Panahi, derrière la simplicité de son argument, s’en prend au ridicule, à l’absurde et aux contradictions du régime. Il se place sans ambiguïté du côté de ces femmes interdites de stade, amatrices de foot et patriotes, habituellement condamnées par leurs tchadors à apparaître tels des fantômes dans la sphère publique, mais qui prennent à bras le corps leur liberté et bravent courageusement cet ostracisme. Ces jeunes filles n’ont d’ailleurs rien d’innocentes oiselles, et elles donnent bien du fil à retordre aux gaillards chargés de les surveiller (saluons ici la qualité des dialogues). Ces derniers sont d’ailleurs traités sans manichéisme et de l’amoureux en butte à une fiancée jalouse au paysan obligé de servir dans une ville dont il connaît mal les us et coutumes, ils apparaissent largement victimes eux-mêmes du système et finalement disposés à l’ouverture. De scène en scène apparaît tout l’absurde d’une situation intenable (voir la scène tragi-comique des toilettes) et le portait d’une société qui, malgré ses résistances (le père qui cherche sa fille), se trouve à des années lumières de l’obscurantisme du pouvoir. Lequel, l’actualité le montre malheureusement sans cesse, s’accroche fermement. La scène finale, fenêtre d’espérance sur fond de chant traditionnel, n’en est que plus belle mais fragile, incertaine et partant, amère.
LE DVD
Les suppléments
L’éditeur propose un seul bonus, mais de qualité, un entretien d’une demi-heure environ avec Jafar Panahi. Le réalisateur revient sur la genèse de son film, les conditions de tournage (on peut ainsi prendre toute la mesure de leur singularité), ainsi que sur l’ensemble de sa carrière et ses objectifs en tant que cinéaste. Sérieux et instructif.
Image et son
Le rendu de l’image DV est parfaitement correct, surtout pour les scènes diurnes. Les intérieurs et les scènes nocturnes souffrent un peu du grain inhérent à ce type de technique. La bande-son bénéficie d’une proposition de 5.1 qui en restitue toute la richesse (le match se jouant bien entendu en off) et d’un "traditionnel" 2.0 parfaitement acceptable.
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Norman06 22 avril 2009
Hors jeu - la critique
Excellent film de Jafar Panahi. Le style semi-documentaire sied admirablement à cette belle œuvre féministe qui combine étude sociale et efficacité narrative. Du grand art.