Le 15 avril 2015
Entre fiction et documentaire, ce grand film nous offre un voyage exceptionnel au cœur de la société iranienne actuelle.
- Réalisateur : Jafar Panahi
- Acteur : Jafar Panahi
- Genre : Comédie dramatique, Documentaire, Road movie
- Nationalité : Iranien
- Distributeur : Memento Distribution
- Durée : 1h22min
- Date télé : 14 décembre 2022 21:00
- Chaîne : OCS City
- Titre original : Taxi
- Date de sortie : 15 avril 2015
- Festival : Festival de Berlin 2015
Résumé : Installé au volant de son taxi, Jafar Panahi sillonne les rues animées de Téhéran. Au gré des passagers qui se succèdent et se confient à lui, le réalisateur dresse le portrait de la société iranienne entre rires et émotion.
Critique Alors qu’après trente-cinq ans de mise à l’écart par les pouvoirs occidentaux et leurs alliés, l’Iran retrouve une certaine place sur la scène internationale, du fait de l’accord sur son domaine nucléaire. Le film Taxi Téhéran arrive à point nommé pour nous donner un éclairage lucide sur la société iranienne actuelle. Son réalisateur, Jafar Panahi, est d’autant plus valeureux que, cinéaste maudit par le régime des mollahs, il a bravé l’interdiction du pouvoir iranien pour tourner ce film, assurer son montage et le faire passer à l’étranger. Taxi Téhéran a reçu un tel accueil à la 65e édition du festival de Berlin qu’il a obtenu l’Ours d’or. Depuis, une trentaine de pays, dont vingt européens, ont acheté le film. Bien sûr, son visa d’exploitation est aujourd’hui inenvisageable en Iran. Sans doute le DVD sera-t-il toutefois vendu sous le manteau…
- © Memento Distribution
Depuis qu’il lui a été interdit d’exercer son métier de cinéaste en 2010 – et ce, après un emprisonnement lié à sa participation à une manifestation contre la réélection controversée du président Mahmoud Ahmadinejad –, Jafar Panahi n’a pourtant pas cessé de réaliser des films. Dont deux tournés dans son appartement : Ceci n’est pas un film (2011) et Closed Curtain (Ours d’argent à Berlin en 2013). Empêché de sortir d’Iran pendant vingt ans, il n’a pu tenir son rôle du juré au festival de Cannes en 2010 (on se souvient de sa chaise vide au jury), ni recevoir ses prix à Berlin en 2013 et 2015.
Taxi Téhéran, c’est d’abord un vieux véhicule jaune qui déambule dès les premières heures du jour dans un Téhéran grouillant de vie. Premier arrêt : un homme monte près du chauffeur, qui reste hors champ, puis une femme s’installe à l’arrière. L’homme raconte au chauffeur – toujours invisible – une anecdote évoquant un vol de roues de voiture et appelant à en pendre les auteurs. La femme intervient pour manifester son désaccord avec cette opinion. L’homme loue alors les lois de la charia, la femme lui rétorque que la seule conséquence de son application est de placer l’Iran au second rang (après la Chine) des pays où il y a le plus de condamnations à mort. L’homme, exaspéré par les « idées modernes » de cette femme enseignante, sort du taxi… Autre portrait, et tout différent, que celui de cette autre femme éplorée, qui accompagne un mari blessé dans un accident de la route et qui saigne sur ses genoux. Elle semble en fait davantage préoccupée par l’existence d’un éventuel testament de son mari que par l’état de santé de celui-ci… Puis on découvre que le chauffeur de taxi n’est autre que Jafar Panahi, affublé d’une casquette, qui garde un grand calme dans ces premières situations plutôt violentes. Le cinéaste est ensuite vite reconnu par un jeune dealer de DVD piratés, qui voudrait bien l’associer (avec son taxi) à la promotion de son petit commerce.
- © Memento Distribution
Au cours de ses tribulations, le cinéaste taximan d’un jour nous fait ensuite partager un moment particulièrement burlesque où il met en scène deux vieilles femmes acariâtres et fantasques, flanquées d’un aquarium où ondulent deux poissons rouges. Elles s’en prennent à ce chauffeur de taxi « abruti », car incapable de les mener à destination à « midi pile » pour aller mettre les précieux poissons à un certain endroit et selon des croyances ancestrales (les poissons sont censés représenter la bonne fortune).
Après ces moments en compagnie de passagers anonymes, Jafar Panahi part à la rencontre de connaissances et d’intimes. Et d’abord il va chercher sa nièce à la sortie de l’école. Il est en retard et celle-ci, particulièrement malicieuse, le lui reproche – et ce, d’autant plus qu’il ose la véhiculer dans une « caisse pourrie ». Cela nous vaut une certaine leçon de cinéma iranien quand on voit la nièce du réalisateur filmer son oncle selon les codes transmis par son institutrice. Des codes qui manifestement obligent l’enfant à proposer un travail en phase avec les consignes officielles.
Embarquent ensuite une connaissance du réalisateur, qui lui confie avoir été été victime d’une agression, et une amie avocate, Nasrin Sotoumek, qui a fait trois ans de prison pour avoir défendu une jeune femme elle-même emprisonnée après avoir assisté à un match de volley-ball masculin. Depuis, Nasrin Sotoumek s’est aussi vu signifier l’interdiction d’exercer son métier et de sortir du pays pendant vingt ans. On assiste ainsi à un échange passionnant entre cette belle « dame au bouquet » et le cinéaste – qui plaisantent d’ailleurs volontiers sur leurs interdictions et condamnations respectives.
On retiendra de ces péripéties davantage le voyage, le road movie que la destination. Un voyage réalisé avec une simple caméra orientable, une voiture comme décor unique, quelques personnages qui discutent. Et c’est du grand cinéma ! Une prouesse pour Jafar Panahi que d’avoir réalisé aussi avec trois bouts de ficelle et en une heure vingt (mais avec un vrai sujet) un vrai faux documentaire aussi exhaustif de son pays. Son principal mérite est d’avoir, à travers ces rencontres, ces arrêts, ces courses, dressé un portrait à la fois drôle, tendre, terrifiant – mais aussi optimiste et tonique de la société iranienne. Et ceci, toujours avec beaucoup de bienveillance et de compassion, car Jafar Panahi a un réel amour des gens.
Passager de sa propre aventure dans Taxi Téhéran, Jafar Panahi nous délivre ici un manifeste aussi politique que cinématographique. C’est en effet un hymne à la liberté que de filmer en bravant les interdits dans une société qui n’est faite que d’empêchements et de stratégies de leur contournement. On sort en fait de Taxi Téhéran comme d’un enchantement plein d’humanité.
- © Memento Distribution
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tifroumi 20 février 2018
Taxi Téhéran - Jafar Panahi - critique
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pour le bien de l’humanité il est heureux que le réalisateur de ce film, manifestement un dangereux criminel, soit interdit de réalisation... !
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ceci dit on a tout aussi excellent ici ....
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yx
tifroumi 20 février 2018
Taxi Téhéran - Jafar Panahi - critique
plus sérieusement ce film est une merveille...