Histoire de Melody Nelson

Melody, un prénom comme une incantation, susurré, dans une transe, par un Gainsbourg-narrateur à sa Lolita défunte. 28 minutes de variations extatiques sur un amour obsessionnel, ainsi est née Histoire de Melody Nelson.

Melody Nelson a des cheveux rouges. Et c’est leur couleur naturelle. L’histoire sera brève, violente, sismique. Renversée par la Rolls Silver Ghost du héros, Melody découvre le plaisir de la chair dans ses bras, avant de mourir atrocement, éparpillée dans le crash d’un Boeing 707, démembrée par un cargo de nuit. Une effusion de sang par laquelle elle paie les quelques gouttes qui tachèrent les draps de l’hôtel de la rue X. Et le chanteur, véritable camé en manque, de rêver à une attraction des astres qui lui rendrait sa Melody.
Un trio blues (basse, guitare, batterie) omniprésent et la voix de Gainsbourg, tantôt grave et fatiguée, tantôt plus légère quand il se souvient de sa Melody espiègle "Hue hue et ho / à dada sur mon dos", constituent les deux constantes de l’album. Gainsbourg raconte et les violons, qui s’affolent et qui frissonnent, construisent des décors improbables, de la rencontre dans un cul-de-sac aux sommets du plaisir dans une chambre dite "de Cléopâtre", au style "rococo", où seules des statues de nègres portant des flambeaux assisteront à la défloration.
Ecouter Histoire de Melody Nelson, c’est faire l’expérience d’un beatlemaniac qui découvre l’album blanc, c’est entrer dans le cercle privilégié des initiés : être intronisé "mélodien". Une sorte de révélation... Album-concept, il n’a pas reçu de triomphe à sa sortie en 1971 mais son aura est aujourd’hui à la (dé)mesure de ses contemporains comme Atom Heart Mother des Pink Floyd. Outre-Manche, il est même considéré comme un incontournable, l’expression ultime de l’obsession amoureuse.
Cinq ans plus tard, Gainsbourg récidive avec L’homme à tête de chou, et cette fois-ci, c’est Marilou qui paie les joies du corps de sa vie. Fonctionnant presque en tandem, les deux albums ont encore aujourd’hui une influence colossale sur la production française.
Qui es-tu Melody ? BB ? Jane ? Pourquoi le naufrage semble-t-il inéluctable ? "L’amour physique est sans issue", écrira Gainsbourg quelques années plus tard.