The Same Song - Israel Vibration

C’est un voyage entre l’Ethiopie et les ghettos de Trench Town, une plongée vibrante d’émotion qui chante les louanges au Seigneur et la lumière de la Rédemption. Sur les traces de Skelly, Wiss et Apple.

Les premières notes du disque sont joyeuses, claires, le couple Robbie Shakespear/Sly Dunbar tient une rythmique sans faille que les voix mystiques au ton si original et aérien, rauque parfois, complètent dans un équilibre quasi parfait. We all gonna sing the same song... Les portes d’un univers dans lequel Jah tient le rôle du maestro invisible qui guide les notes et le skank chaloupé, suspendu au dessus des crânes dreadlocksés, comme une présence que même le numérique d’aujourd’hui laisse deviner. Le très beau Weep and Mourn est le courant qui attire la barque vers le large. Un large d’où l’on voit le soleil décliner lentement, dans un retentissant et incantatif Ball of Fire.

Chaque fois que la piste change pour laisser espérer encore plus beau, plus touchant, les trois chanteurs, bancals sur leurs béquilles héritées d’une polio ravageuse, se passent la main, chacun soutenu par les choeurs de ses frères de sang. Lift up your conscience. Elève ton esprit. Message d’espoir à la population qui souffre de la misère, qui ne peut trouver son salut que dans la prière. L’introduction est véritablement un exemple d’accord complet entre les musiciens et les choeurs railleurs du trio. Suit un appel auquel la foi donne une tranquillité rassurante : Prophet has arise. King Sélassié I montre le chemin à ses enfants orphelins qui l’implorent avec leurs armes. La caisse claire claquante d’un Dunbar, le piano étouffé de Mickey Chung, les mélodies cinglantes de la guitare de Junior Marvin qui trouve le ton juste à chaque montée, tous sonnent roots, précis, implacables...

Et que dire du chef-d’oeuvre de l’album, ce titre qui sonne comme un slow envoûtant mais dont les paroles sont aiguisées comme un poignard. Licks and Kicks, un sommet du genre, l’histoire vécue des descentes des soldats dans les villages de pêcheurs pour trouver les membres des "Twelves tribes of Israel", un mouvement religieux rasta. A couper le souffle, tout simplement. Avec des envolées du grand Dean Frazer au saxo. Et comme si déjà la pieuse et magistrale beauté de l’ensemble ne suffisait pas au ravissement des oreilles et de l’âme, Crisis coule comme un long fleuve agité. Fermez les yeux, un bonus suit. Le grand Augustus Pablo tire de son mélodica des mélodies somptueuses, saupoudrées sur un dub mystique maîtrisé de A à Z par des musiciens qui, pas besoin d’y connaître quoi que ce soit pour l’affirmer, ont atteint dans cette production des sommets musicaux.