Aux armes et cætera & Mauvaises nouvelles des étoiles

Aux armes et cætera et Mauvaises nouvelles des étoiles [1] sont ressortis en 2003 en deux double-CD remixés dans le style jamaïcain de l’époque. Un lifting impeccable, enrichis de dubs, de versions DJ et d’inédits. Incontournable.

L’idée, a priori folle, de remixer les deux chefs-d’œuvre de Gainsbourg est venue à Bruno Blum, producteur, journaliste, musicien, photographe, durant l’été 2001. Pour le plus grand spécialiste reggae français, le mixage de ces albums (surtout le second) n’a rien à voir avec les pratiques insulaires de l’époque. Comprenez, les Français n’étaient pas assez mûrs pour écouter le pur son jamaïcain et sa ribambelles d’effets hallucinés. Après avoir convaincu le directeur général de Mercury/Universal (Santiago Casaregio dit Santi, ancien batteur de la Mano Negra et producteur des feux Popstars, paiçx à leurs âmes), il part à Kingston muni des précieuses bandes et les confie à Soljie Hamilton (ingénieur du son légendaire, opérant aujourd’hui pour Sizzla, Capleton ou Luciano), en lui demandant une stricte fidélité à la technologie et à l’esthétique reggae de l’époque.
Le résultat est à la hauteur du projet, ébouriffant. Loin de dénaturer l’œuvre de Gainsbourg - la voix n’a pas été touchée - ce mixage donne un souffle nouveau aux deux opus, rendant le reggae de Sly et Robbie et des Revolutionaries plus aérien, plus aéré, gagnant en efficacité et puissance.
La deuxième grande idée de Bruno Blum c’est de réaliser des versions dub des morceaux de Gainsbourg. Pratique courante en Jamaïque, les versions dubs, depuis 30 ans, ornent les faces B des 45 tours et proposent une version dépouillée, surréelle et plus planante de la version chantée. Gainsbourg in dub, on n’osait pas en rêver, et on ne peut déjà plus s’en passer.

Troisième partie du projet et autre grande tradition jamaïcaine, faire venir des DJ pour chanter sur les musiques de notre héros. Le casting de Blum est éclectique et rafraîchissant : de grandes stars (King Stitt, Big Youth) côtoient de parfaits inconnus trouvés aux portes du studio Music Works. En anglais dans le texte, tout ce beau monde se relaie au micro comme lors d’une grande soirée Roots Academy spéciale Gainsbourg. Qui sortira du studio, t’as une idée toi, Santi ?
En guise de grosse cerise (une sphère) sur ce gargantuesque gâteau, les inédits finissent de rendre incontournables ces deux double-CD. Les fans peuvent jubiler : une version chantée de Daisy Temple, des couplets retrouvés de Ecce Homo, prémonitoires, une version de Marilou reggae (album L’homme à tête de chou, 1976, premier reggae francophone, s’il vous plaît) réenregistrée par des musiciens jamaïcains, une musique Planteur Punch sans paroles, Evguénie Sokolov sans pet et deux ou trois petites perles que les inconditionnels découvriront dès la première écoute. Comble du chic ou manque de place sur le CD, quatre dubs de plus sont proposés en vinyl.