Le 7 octobre 2010
- Réalisateur : Larry Clark
Le milieu de l’art est en ébullition, Larry Clark, le soldat douteux de la photographie sexuée mettant en scène des adolescents est attaqué par une interdiction aux moins de 18 ans. Mais des politiques aux artistes, qui est le plus conservateur ?
Le milieu de l’art est en ébullition, Larry Clark, le soldat douteux de la photographie sexuée mettant en scène des adolescents est attaqué par une interdiction aux moins de 18 ans. Mais des politiques aux artistes, qui est le plus conservateur ?
Cela faisait déjà quelques jours que me trottait dans la tête l’idée d’un édito sur l’exposition Larry Clark au Musée d’Art Moderne, ou du moins sur la polémique qui l’accompagne depuis l’annonce de l’interdiction aux moins de 18 ans, promulguée par la Mairie de Paris dans le courant du mois de septembre. Depuis, tous les jours, un nouveau rebondissement fait la Une et l’on se retrouve au coeur d’un imbroglio de communiqués et de surenchères qui ridiculise chaque partie.
- Photo issue du film Ken Park
Si l’on regarde bien l’affaire de plus prêt on observe d’un côté la presse et l’univers de l’art unis contre toute forme de censure ou dans ce cas classification (la frontière est ténue mais ici on brouille volontairement les pistes, c’est la guerre des mots). De l’autre côté se positionne la mairie de Paris qui souhaite se préserver de toutes responsabilités en cas de plainte. C’est qu’en 2010, on ne prend plus de risque ; même à New York on interdit aux citoyens de fumer dans la rue !
Une sempiternelle opposition, quasi manichéenne avec d’un côté la liberté d’expression qui veut faire fi des tabous, forcément répressifs et conservateurs ; de l’autre les politiques rétifs qui ne veulent pas s’aliéner les communautés et perdre des électeurs.
Mais dans les deux cas, ne sommes-nous pas face à une manifestation généralisée du politiquement correct ? Les artistes et associations culturelles, en défendant aveuglement l’œuvre ambigüe de Larry Clark, se font les chantres d’un discours sur l’art réchauffé, ressorti en kit clé en main dès que poind le pavillon de la censure. Il faut défendre le soldat Clark, sans trop chercher à remettre en question sa pertinence et sa réelle portée. L’art permet d’ouvrir l’esprit, de confronter les sensibilités, de provoquer les discussions... Sûrement. Proposer à la jeunesse une diversité et une alternative artistiques qui l’arrache au monde acidulé des Bisounours est essentiel à son bon développement. Il n’empêche qu’en 2010, à une époque où tout le monde déplore les tendances dépressives des ados, leur nullité au collège, les baisses de niveau au bac, la violence grandissante, l’hyperactivité qui explose, l’inconscience juvénile face au sida, les addictions à tout (jeux vidéos, cigarettes, alcool, drogues), l’absence de régulation prônée par chacun est un peu suicidaire. N’est-ce pas ce que recherchent les grands émissaires du capitalisme ? Aucune régulation pour nourrir n’importe qui de n’importe quoi. Et ce peu importe l’âge. Est-ce vraiment faire preuve de conservatisme que de chercher à protéger une certaine jeunesse d’objets de fascination subversifs, à commencer au cinéma (où les interdictions sont souvent bradées pour favoriser l’économie des films !) ou même dans la musique (le cas de Sexion d’assaut, proférant des propos homophobes, incitant donc à la violence, au cœur même d’une grande maison de disques !), alors que tout semble nous porter à croire que jamais les jeunes ont eu autant besoin d’un cadre - social, familial et récréatif.
Que dire également
de ce précédant politique au cœur d’une municipalité de gauche ? La décision est-elle légitimée par une vraie réflexion sur le pouvoir de l’image ou est-ce un énième pas en arrière destiné à ne pas courroucer quelques associations catholiques bien-pensantes. Les arguments de la mairie qui, selon ses dires, ne serait pas à l’abri des lois, peuvent être perçus comme passéistes et reflètent un état des lieux catastrophiques de la politique contemporaine. Une politique engourdie, incapable d’agir dans la prise de risque. Hors la société française, aujourd’hui en proie à des remises en question édifiantes sur la nationalité, sur l’immigration... est incapable d’avancer pour ne pas choquer le voisin. Le mariage homosexuel ? Ok en Espagne, mais pas chez nous, la France n’est pas prête ! Il est certain qu’à force de protéger les valeurs bourgeoises, notre nation ne risque pas d’avancer vers davantage de « droits de l’homme ». Que risquait vraiment Paris en ouvrant cette exposition à chacun et notamment aux modèles de ces photographies (une contradiction injustifiable) ? Une sanction électorale ? Une fermeture du musée ? Une lourde amende ? A mon sens, rien qui ne puisse l’empêcher de se relever et la tête haute, s’il vous plaît.
Dans l’œil du cyclone médiatique, le photographe et cinéaste Larry Clark est éternellement un cas litigieux, voué à ne pas plaire à tout le monde. La publicité gratuite que lui offre la polémique et notamment la Une de Libération ce jeudi 7/10, sera une manne non négligeable pour le musée outragé et l’affront à la majesté créative de l’auteur. A chacun d’y voir ce qu’il veut, mais personnellement la question que je pose ironiquement, c’est l’éventuelle interdiction aux plus de 18 ans ! Quel est l’intérêt pour les adultes ? Se répandre en regret sur leur jeunesse perdue ? Susciter des désirs pédophiles face à la perfection des corps juvéniles ? Essayer de comprendre leurs ados en les visualisant à la place des jeunes modèles du photographe ? Allez, qu’on arrête de se faire du mal. Tout cela est-il vraiment nécessaire ?
Exposition Larry Clark au Musée d’Art Moderne de Paris du 8 octobre au 2 janvier 2011
– Lire notre entretien avec Larry Clark ICI
Galerie photos
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.