Le 11 octobre 2006
La quête drolatique et déchirante d’un orphelin dans un New York post-11 septembre. L’une des sensations de cette rentrée littéraire.
La quête drolatique et déchirante d’un orphelin dans un New York post-11 septembre. L’une des sensations de cette rentrée littéraire.
Oskar a neuf ans et une intelligence hors normes. Il aime les vêtements blancs, Stephen Hawking et le National Geographic . Mais il a peur des ascenseurs, des transports en commun et boit du café parce que "ça retarde la croissance, et comme [il] a peur de mourir..." Non sans raison : son père était au nombre des victimes des attentats du 11 septembre. Un an après cette disparition, Oskar se trouve une mission : découvrir ce qu’ouvre la clé trouvée dans un vase, dans la chambre de ses parents. Veillé par une belle galerie d’éclopés de la vie et des sentiments, Oskar parcourt New York en tous sens, dans un vaste et crucial jeu de piste. Une façon de faire son impossible deuil et, peut-être, de réapprivoiser le monde.... "Les fantômes s’en fichent, que l’on croit en eux", lui assène un des personnages.
"J’ai beau être athée, je savais qu’il avait tort", corrige Oskar.
Jonathan Safran Foer avance en terrain littéraire miné et s’en tire avec grâce. A partir du choix toujours périlleux d’un enfant comme narrateur principal, il dresse un portrait fort et attachant - certes pas réaliste, mais toujours juste : on serait tenté d’évoquer le Momo de Romain Gary et de La vie devant soi. Questionnant les vertiges de l’absence et la tentation du silence, il met en scène un objet littéraire inventif mais jamais artificiel, où pages blanches, photographies et explorations typographiques interrogent les meurtrissures de chacun, au sein d’une Histoire qui broie sans pitié les êtres. Tout le talent de Safran Foer, l’une des plumes les plus remarquées de sa génération - on doit déjà à ce trentenaire américain Tout est illuminé - consiste à désamorcer la noirceur du propos par la drôlerie des réflexions incongrues et puissantes d’Oskar.
Au total, ce livre où l’on rit beaucoup est aussi l’un des plus déchirants qui soit. Tout en mettant en scène les liens invisibles et indestructibles entre les êtres, Jonathan Safran Foer pointe les étranges apories du cœur : "Là est la tragédie de l’amour, on ne peut rien aimer plus que ce qui nous manque."
Jonathan Safran Foer, Extrêmement fort et incroyablement près (Extremely loud and incredibly close, traduit de l’anglais (américain) par Jacqueline Huet et Jean-Pierre Carasso), Editions de l’Olivier, 2006, 425 pages, 22 €
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