Le 8 août 2019
- Réalisateur : Jean-Pierre Mocky
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C’est un franc-tireur du cinéma français qui s’en va. En une soixantaine d’années de carrière, Jean-Pierre Mocky aura réalisé des films d’une qualité inégale, mais toujours intéressants, volontiers pamphlétaires.
News : Mocky ne ressemblait qu’à Mocky et c’était déjà beaucoup. Dans ses qualités et ses défauts, son cinéma volontiers foutraque, souvent provocateur, foncièrement anti-institutionnel, était aussi la marque d’un talent indéniable, qui ne faisait jamais de l’ombre aux acteurs et actrices. Bien sûr, le metteur en scène avait ses comédiens fétiches : d’abord Bourvil, avec qui le réalisateur tourna Un drôle de paroissien (1963), déjà féroce envers la religion, des années avant Le Miraculé, dont la sortie provoqua des remous, en 1987. Puis il y eut Michel Serrault, toujours fidèle, qui participera à douze aventures mockyennes, même lorsqu’avec des budgets dérisoires et des sorties de plus en plus confidentielles, l’iconoclaste produisait des longs métrages qui n’intéressaient plus grand monde. D’autres noms du cinéma français ont collaboré avec lui, avec parfois le malin plaisir de casser leur image : Catherine Deneuve, Michel Simon, Jeanne Moreau, Jean Poiret, Stéphane Audran...
D’abord acteur de théâtre (il fut admis au Conservatoire où il noua une amitié avec Jean-Paul Belmondo), le futur metteur en scène s’illustre dans quelques rôles au cinéma, notamment dans Les Vaincus d’Antonioni, qui triomphe en Italie, en 1953. Sa carrière transalpine lui permet d’approcher les plus grand mythes, en tant que stagiaire à la réalisation (Fellini sur La Strada, Visconti sur Senso). En 1959, il figure dans La Tête contre les murs, le film de Franju, adaptation d’un roman d’Hervé Bazin, qu’il devait réaliser. Mais les producteurs préfèrent une valeur sûre à un débutant. Ce n’est que partie remise. Le premier long métrage de Mocky sortira peu de temps après, contemporain d’A bout de souffle. Pourtant, le jeune artiste ne se revendique pas de la Nouvelle Vague, ne lui sera d’ailleurs jamais associé.
Le succès de cette première réalisation, avec Jacques Charrier dans le rôle-titre, lance une carrière longue de soixante ans, faite de hauts et de bas, toujours attentive à l’actualité : Mocky le flingueur se positionne clairement, de Solo, réalisé en 1969, dans la foulée d’une déception relative au mouvement de mai 68, au réquisitoire implacable d’A mort l’arbitre (1984), où la furie meurtrière de supporters dépités qui se déchaînent contre un arbitre, anticipe la catastrophe du Heysel, un an plus tard, en passant par Un linceul n’a pas de poches (1974) ou Une nuit à l’Assemblée Nationale (1988) qui visent la corruption du monde politique.
Parfois, le réalisateur prend des chemins de traverse et bifurque vers le fantastique : le très méconnu Litan (1981), avec Nino Ferrer, constitue, à l’époque, une des rares incursions du cinéma français dans un genre plutôt annexé par les Anglo-saxons. Quatorze ans plus tard, Noir comme le souvenir lui fait écho, que traverse l’influence de Dario Argento. C’est ce créateur entre les lignes qu’il faut aussi découvrir ou redécouvrir, au-delà d’une réputation truculente, grande gueule, dont la télé, dévoreuse de "bons clients", demeure toujours friande.
Ces dernières années, les films du cinéaste n’étaient plus proposés dans des circuits de distribution classique. Beaucoup d’entre eux étant restés confidentiels, à l’exception du Furet en 2003 (53.000 entrées), l’ultime Mocky, vieux d’une quinzaine d’années, sera assurément une véritable découverte pour le grand public, si une visibilité lui est offerte. Au-delà d’hommages convenus, qui auraient sans doute fait marrer le défunt, ce geste-là serait une réelle marque d’affection envers tout son cinéma.
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