Le 24 mai 2018
- Scénariste : MORVAN, Jean-David
- Dessinateur : Alary, Pierre
- Genre : Fantasy
- Famille : BD Franco-belge
- Editeur : Glénat
Glénat se lance dans une série d’adaptation en bandes dessinées de Conan le Cimmérien. Un projet ambitieux qui se veut fidèle à l’œuvre originale.
Résumé : Chaque bande dessinée de Glénat constitue l’adaptation d’une nouvelle d’Howard. Chaque nouvelle peut se lire de manière indépendante : l’œuvre d’Howard ne comprend aucune continuité chronologique ni progression logique. Les pages de garde, très réussies, figurent la carte du monde dans lequel évolue Conan. Chaque tome se termine par une postface de Patrice Louinet, qui offre une contextualisation bienvenue au récit. En pratique, chaque dessinateur s’approprie l’univers épique de Conan le temps d’une bande dessinée.
Le projet d’adaptation
Robert Ervin Howard (1906-1936) est considéré comme l’inventeur de l’heroic fantasy. Avec Tolkien et Lovecraft, il est également l’un des pères fondateurs de la littérature fantastique contemporaine. Il publie à 19 ans sa première histoire. Howard crée le personnage de Conan en 1932 et le met en scène dans une vingtaine de nouvelles. Les récits de Conan paraissent dans Weird Tales, un pulp qui publie également Lovecraft. D’autres auteurs, parmi lesquels Lyon Sprague du Camp et Lin Carter, poursuivent les aventures du personnages de Conan devenu entre-temps une véritable référence dans le paysage de la fantasy. Le film Conan (1982) avec Arnold Schwarzenegger dans le rôle titre offrent une nouvelle popularité à un personnage devenu une véritable icône de la pop culture.
Le magazine de pulps Weird Tales publie les principales couvertures de Conan. Cette couverture de Margaret Brundage pour le récit Le colosse noir est restée dans les mémoires collectives. La postface de l’album revient sur cette histoire éditoriale.
Conan est un héros à la fois populaire et très mal connu. Ce paradoxe est lié à la postérité tumultueuse de l’œuvre d’Howard. En effet, les nouvelles de Conan le Cimmérien ont fait l’objet de multiples réécritures et arrangements après la mort d’Howard et il faut attendre les années 2000 pour que celles-ci soient publiées en français dans leur version originale. C’est dans cet esprit de fidélité à l’œuvre originale que se situe l’adaptation de Glénat. L’éditeur est allé chercher Patrice Louinet, spécialiste du travail d’Howard qui a réalisé pour les éditions Bragelonne l’édition critique de référence des aventures de Conan le Cimmérien. Son rôle dans la collection est de faire en sorte que les auteurs respectent l’esprit d’Howard. Il partage la fonction de directeur de collection avec Jean-David Morvan.
L’affiche du film Conan (1982) de John Milius. Conan y apparaît assez éloigné de l’esprit des récits d’Howard.
Chaque bande dessinée de Glénat constitue l’adaptation d’une nouvelle d’Howard. Chaque nouvelle peut se lire de manière indépendante : l’œuvre d’Howard ne comprend aucune continuité chronologique ni progression logique. Les pages de garde, très réussies, figurent la carte du monde dans lequel évolue Conan. Chaque tome se termine par une postface de Patrice Louinet, qui offre une contextualisation bienvenue au récit.
En pratique, chaque dessinateur s’approprie l’univers épique de Conan le temps d’une bande dessinée. Conan apparaît comme un jouisseur du temps présent, fort et rusé, pris dans des aventures incroyables. Conan est le barbare indompté, rétif à toute forme de civilisation. Au-delà des différences de traits, les deux premiers albums publiés par Glénat, La reine de la côte noire et Le colosse noir, présentent un même souffle épique qui devrait ravir les amateurs d’heroic fantasy. Après la lecture plaisante de ces deux albums, une question se pose toutefois : Conan ne serait-il pas l’incarnation d’un virilisme désuet et de valeurs discutables ?
Les albums existent dans une version couleur et une version noir et blanc. La première édition comporte un portfolio d’hommages à l’univers de Conan par plusieurs dessinateurs. Deux nouveaux albums sont prévus pour la septembre et l’automne 2018.
La Reine de la côte noire - Jean-David Morvan (S) / Pierre Alary (D)
La Reine de la côte noire inaugure l’adaptation de Glénat. Les premières pages sont fulgurantes : jugé pour meurtre dans la ville portuaire d’Argos, Conan assassine le juge qui ne comprend rien à ses justification devant une assistance médusée avant de prendre la fuite vers la mer. Recueilli par un équipage qu’il sert de mercenaire, il fait la rencontre de la fameuse « Reine de la côte noire », pirate aussi belle que farouche, avec qui Conan vit une idylle mouvementée.
Couverture de La reine de la côte noire - ©Glénat / Morvan et Alary
Le storyboard mis au point par Jean-David Morvan est très dynamique. Comme le personnage, le lecteur est pris dans le tumulte des aventures du héros dans un récit sans temps mort. Le dessin de Pierre Alary préserve la dynamique du récit avec un découpage efficace. On sent que le dessinateur a pris plaisir à peindre une nature luxuriante qui reprend ses droits, ainsi que les ébats entre Conan et sa « reine pirate » aux formes généreuses. L’utilisation des couleurs vives renforce la sensation d’exotisme pour le lecteur.
Les premières pages symbolisent parfaitement ce qui fait l’essence du héros, d’où le choix éditorial d’avoir fait de La reine de la côte noire le récit inaugural de la collection. Le récit s’achève sur une note amère pour le héros, qui acquiert une profondeur bienvenue. Cette adaptation s’avère d’une lecture plaisante. Le lecteur pénètre sans mal dans le récit des aventures d’un héros sans morale mais non sans cœur, dont on découvre la philosophie de vie : « Je vis, je brûle de l’ardeur de vivre, j’aime, je tue et cela suffit à mon plaisir ».
Le colosse noir - Vincent Brugeat (S) / Ronan Tulhoat (D)
Le colosse noir s’inscrit dans une ambiance bien différente de La reine de la côte noire. On quitte la mer pour le désert, la forêt pour le palais. L’introduction du récit est très réussie : on suit Shevatas, roi des voleur en quête d’un fabuleux trésor d’une antique cité… et qui découvre l’horreur. L’adaptation de ces premières pages offre une originalité graphique très intéressante : crayonnés et dessins colorisés cohabitent dans une même case pour souligner deux temporalités différentes qui se superposent en un même lieu.
Couverture du Colosse noir - ©Glénat Brugeat / Tulhoat
On retrouve Conan qui, à la sortie d’une taverne, se retrouve propulsé général d’armée par la princesse d’un royaume menacé. Cette dernière est guidée dans son choix par une prophétie. Conan se retrouve alors à affronter dans une passe désertique les troupes d’un sorcier aux sombres pouvoirs. Un sorcier lubrique, qui hante les rêves d’une princesse qu’il rêve de posséder…
La bataille entre l’armée dirigée par Conan et celle du sorcier est au centre du récit. Conan se retrouve dans le rôle inhabituel de chef de guerre, lui dont la discipline n’est pas spécialement le point fort. Sa bravoure emporte toutefois le cœur de ses troupes. Le dessin fait le choix de teintes sombres avec beaucoup de traits noirs pour nous plonger dans un univers baigné de sorcellerie. Le choix des couleurs correspond pleinement à l’atmosphère du récit. Si l’atmosphère orientale de la cité s’avère bien rendu et font voyager le lecteur, les scènes qui représentent les différentes armées dans un paysage désertique s’avèrent un peu moins réussis. Il manque une peinture grandiose des armées. En revanche, les scènes de combat sur fond rouge témoignent bien de la sauvagerie des combats. De manière générale, la narration fluide est cohérente avec la dynamique guerrière du récit.
Le colosse noir répond en tous points au scénario d’heroic fantasy. La figure du héros intrépide, le rôle du destin, la sorcellerie, l’atmosphère exotique : tout y est. L’adaptation parvient à rendre le ton de du récit d’Howard.
Ce rajeunissement des aventures de Conan le Cimmérien devrait ravir les amateurs d’heroic fantasy. Les deux premiers tomes de la série sont dans l’ensemble des adaptations réussies, fidèles à la source originale et qui disposent d’un graphisme accrocheur et d’une narration efficace.
64 pages - 14,95€ chaque tome.
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