Le 14 décembre 2017
- Scénariste : Jeff Lemire>
- Dessinateur : Dean Ormston
- Coloriste : Dave STEWART
- Collection : Urban Indies
- Genre : Super héros
- Editeur : Urban Comics
- Famille : Comics
- Date de sortie : 20 octobre 2017
La déclaration d’amour de Jeff Lemire pour les super-héros
Disons-le sans plus attendre, Black Hammer est une réussite totale ! L’auteur de Essex County, Sweet tooth ou encore Descender livre ici les bases d’un récit qui pourrait marquer l’histoire du comics américain. Écrit initialement en 2007, peu de temps après la sortie d’Essex County Jeff Lemire rédige une véritable déclaration d’amour pour les super-héros. Issu de l’édition indépendante il ne se doute pas à cette époque qu’il deviendra quelques années plus tard l’une des valeurs sûres des maisons DC comics et Marvel. Loin des codes des "véritables comics de super-héros", il conçoit donc Black Hammer avant tout comme un roman graphique regroupant les thématiques qui lui sont chères : la solitude et l’ennui dans les petites villes des grands espaces nord-américain, la nostalgie et le deuil des paradis perdus.
On suit donc l’histoire de six super-héros, dix ans après qu’ils aient été arrachés à leur univers par une crise multidimensionnelle. Ces champions oubliés de Spiral City doivent désormais vivre telle une famille dysfonctionnelle, prisonniers du quotidien paisible d’une petite bourgade américaine.
Au centre des préoccupations, la relation tout en nuances entre les personnages et le rapport qu’ils entretiennent avec leur passé. L’opposition entre les flashbacks relatant leurs glorieux faits d’armes et leur vie actuelle souligne la frustration de leur condition. La science-fiction n’est dans un premier temps qu’un verni utilisé comme révélateur de leurs souffrances intérieures : Le don de Barbelien lui permettant de masquer son apparence de seigneur martien sert de métaphore à son homosexualité cachée ; La cabane de la sorcière Dragonfly, dont elle tire ses pouvoirs obscurs, est une représentation physique de son enfermement mental et du deuil de sa vie passée. On ressent une vraie mélancolie chez chacun d’entre eux. Difficile de ne pas mentionner le Colonel Weird, personnage génial de héros spatial devenu à moitié fou. Le chapitre explorant la parazone est un pur bijou de science-fiction, à la jonction entre un épisode de Code quantum et la fin d’Interstellar. Le monde parallèle dont il est prisonnier le pousse dans diverses temporalités au bon vouloir d’un "grand Dessein" dont il ne comprend pas le sens. Jeff Lemire fait de ce concept un récit poignant en mettant au centre de tout, la sensibilité du personnage, contraint de revivre sans cesse les tragédies de son passé.
L’auteur canadien, trop occupé pour s’atteler au dessin d’un projet d’une telle ampleur a confié le dessin à Dean Ormston à qui l’on doit notamment un arc de la saga Sandman. Et le moins qu’on puisse dire c’est que son choix fût excellent. Sa réinterprétation des croquis initiaux de Jeff Lemire datant de 2007 permet à Black Hammer de se démarquer des standards de comics de super-héros et apporte un style très personnel permettant de transcender les innombrables références du récit. Le décalage souhaité par l’auteur est renforcé par la touche rétro futuriste de l’illustrateur anglais. Par ailleurs, Urban Comics a eu la bonne idée d’ajouter à son édition un dossier comprenant une postface du scénariste, des croquis, et surtout les fiches initiales de présentation des personnages façon encyclopédie.
Ce premier tome ne fait qu’égratigner la surface d’un univers immense dont les mystères demeurent entiers. On ne sait rien du personnage de Black Hammer ni de son rôle dans les événements mystérieux qui les ont amenés ici. Le Festival d’Angoulême ne s’y est pas trompé puisqu’il fait partie de la Sélection Officielle 2018. À noter que le second tome sortira en France en avril prochain et que deux spin-off centrés sur des vilains de Spiral City sont en préparation : Sherlock Frankenstein & the legion of evil et Doctor Star & the kingdom of lost tomorow.
200 pages - 15€
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