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Le 4 septembre 2006
De l’humour, de l’esprit et quelques tranches de vie russes, servies par un traducteur qui a pris les bonnes libertés.
De l’humour, de l’esprit et quelques tranches de vie russes, servies par un traducteur qui a pris les bonnes libertés.
"Pourquoi, ô Monde, n’es-tu pas tout entier un enfant" (Balmont). Au début du vingtième siècle, de nombreux poètes russes, n’ayant pas la possibilité de publier leurs travaux "pour adultes", se sont orientés vers la poésie enfantine. Nous comptons parmi ces derniers d’illustres personnages comme Maïakovski et Pasternak. Après la révolution bolcheviste de 1917, des poètes comme Korneï Tchoukovski, Samuel Marchak et Sacha Tchiorny décident de rompre avec la tradition : "morale bétifiante et bien-pensante véhiculée par le système d’éducation bourgeois et inculquée aux jeunes Russes".
En 1930, la critique allait laisser place à la répression stalinienne. Alors qu’une poignée de poètes se voit conduite au goulag, d’autres sont contraints "d’abandonner les enfants" et d’utiliser leur talent dans la traduction ou la critique littéraire. Il faudra attendre le dégel krouchtchévien pour que ce genre, imprégné de spontanéité, laisse à nouveau poindre le bout de son nez.
Dix de ces écrivains figurent dans cette anthologie bilingue traduite, présentée et choisie par Henri Abril, avec une subjectivité assumée ainsi qu’une liberté de traduction dont la légitimité n’est pas à remettre en cause. Il y a dans ce genre surprenant une sorte d’"humour philosophique", une intelligence contestataire sans dissimulation ni démagogie. Propice à l’éveil, cette poésie semble laisser l’enfant sauf des aspirations des adultes. L’enfant, "cet étranger qui ne comprend rien à leur langage".
Sans le travail effectué par le traducteur pour restituer les sonorités étranges, ou encore le rythme de ces litanies complices, le choix des textes et des auteurs aurait sans doute paru bien exotique. Grâce à son excellent travail, il se donne ainsi à vivre comme un recueil rempli de bonté et de tendresse. Une lecture à renouveler aussi souvent que nécessaire, mais avant tout, le petit livre rêvé pour découvrir ou faire découvrir la poésie.
Anthologie bilingue de la poésie russe pour enfant (traduction, présentation et choix de Henri Abril), Circé poche, 185 pages, 2006, 10 €
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