Le 22 janvier 2025
- Réalisateur : Akaki Popkhadze
- Distributeur : ARP Sélection
– Sortie en salle : 22 janvier 2025
Avec ce premier long métrage, présenté au dernier Festival International du Film de Saint-Jean-de-Luz, le jeune réalisateur signe une œuvre intense, violente et tragique, qui n’est pas sans rappeler le cinéma de James Gray. Rencontre avec un cinéaste assurément prometteur.
Souhaitiez-vous vous inscrire ici dans une veine de films de genre tels que Little Odessa ou The Yards ?
Le fait de m’inscrire dans un genre particulier était effectivement mon envie. En l’occurrence, un genre criminel, un « crime drama », un polar. Je suis attaché à la laideur du monde. J’aime trouver une sorte de beauté en explorant le crime, le mal, l’aspect sombre de l’être humain. Le genre permet cela. James Gray est une grande source d’inspiration, notamment ses trois premiers films qui me touchent beaucoup par leur exploration des thèmes de la famille, la communauté, l’immigration, la violence.
Votre film est inspiré d’un fait divers où un homme a été assassiné par erreur. En quoi cet événement vous a-t-il inspiré pour raconter cette histoire ?
Je tenais à ce que mon premier film ait une étincelle de vécu personnel en lui. Je voulais parler de moi, de ma famille, de ce qui peut nous tourmenter tous intérieurement dans les thématiques familiales ou religieuses. Dès que j’ai entendu parler de ce fait divers, cela m’a offert un terrain de jeu parfait parce qu’il y avait la possibilité de s’imaginer tout un récit autour de cet homme assassiné par erreur. Peut-être avait-il un fils qui aurait voulu comprendre ce qui est arrivé à son père ? Et peut être qu’un autre fils se confronterait à son frère sur ce qui convient de faire. On peut alors imaginer cette famille et la transposer dans la communauté géorgienne de Nice. Ainsi, mon envie de cinéma, mon vécu personnel et ce fait divers se sont bien trouvés.
- © 2024 Adastra Films. Tous droits réservés.
Vous filmez aussi une ville peu représentée au cinéma, Nice…
La plupart des films de genre français se déroulent soit à Marseille soit en Île-de-France. Pour ma part, je vis a Nice depuis vingt ans. Je tenais à ce que cette histoire très sombre se déroule paradoxalement dans un univers chaleureux. Ce film est une tragédie, il y a du sang, des morts, et pourtant, le soleil brille sans cesse. Cela crée un contrepoint intéressant. La particularité d’une ville comme Nice, c’est que les pauvres et les riches se côtoient tous les jours. À Paris, il faut faire une heure de RER pour se retrouver dans des quartiers défavorisés. À Nice, il faut cinq minutes. Les quartiers populaires sont tout aussi proches de la mer. C’est une ville incroyablement cinégénique, avec une grande mosaïque de langages, de communautés, avec un esprit particulier, une insolence, une nervosité, une musicalité particulière dans le langage.
On dit que « la violence entraîne la violence ». C’est flagrant et incontestable ici…
En effet, il n’y a pas d’autre issue. Il fallait montrer que cette vengeance ne mène à rien, si ce n’est à la solitude du personnage de la mère qui perd tous ses proches. Cette violence mène aussi à beaucoup d’injustice. En même temps, c’est également dans la douleur que l’on peut comprendre tout cela. Si on n’a jamais œuvré dans la violence, on ne peut ne pas se rendre compte qu’elle existe et comment elle affecte les personnes de manière négative. À croire que c’est dans la douleur que l’on peut trouver le chemin juste. Cela me fait penser à un poème qui dit : « si tu ne brûles pas, si je ne brûle pas, si nous ne brûlons pas, comment les ténèbres deviendront elles clarté ? ». Cela rejoint cette idée que c’est dans la douleur que l’on a envie de pardon et de rédemption.
Le film peut parfois être violent mais cette violence s’avère tour à tour malaisante et jouissive. Comment l’expliquez-vous ?
La vie est pleine de violences variées, à la fois morales, sociales, économiques : alors pourquoi n’y en aurait-il pas au cinéma ? On ne fait pas des films pour soigner quelque chose. Je préfère que les spectateurs se sentent bien dans leur vie et mal au cinéma plutôt que l’inverse. Le cinéma est un espace où l’on peut déranger les gens, les chambouler, leur montrer des images qui restent, réveillent, amènent un côté jubilatoire, et provoquent un transfert du spectateur au personnage. Pour ma part, je voulais que la violence soit davantage suggérée, avec beaucoup de hors champ. S’il y a de la violence, cela signifie qu’il y a un corps à filmer et c’est un terrain de jeu parfait pour moi car j’aime filmer les corps dans l’effort, je peux y trouver une vibration, une vérité, une beauté. Ce n’est pas la violence que j’esthétise, c’est un corps dans l’effort.
- © 2024 Adastra Films. Tous droits réservés.
Justement, comment avez-vous conçu l’esthétisme du film ?
Avec mon chef opérateur, nous avons veillé à ce qu’il y ait un contraste marqué entre les extérieurs et les intérieurs, Tous les extérieurs sont lumineux, chaleureux, avec le soleil dans le cadre en permanence. À l’inverse, les intérieurs sont exigus, sombres, filmés en courtes focales qui déforment les perspectives, les corps, et donnent une sensation d’ivresse. La caméra à la main entraîne aussi beaucoup de mouvement, ainsi qu’un sentiment de vertige pour le spectateur comme pour le personnage qui essaie de rester debout et de ne jamais perdre l’équilibre.
Un dernier mot sur la musique ?
Je voulais qu’elle apporte une dimension tragique classique mais dans le bon sens du terme, sans note électronique permanente, d’où l’utilisation d’instruments comme le violon ou le piano. Il fallait de grandes envolées lyriques afin d’alimenter la tragédie et donner une couleur différente à l’image. Sans oublier les chants liturgiques qui apportent une authenticité à cette histoire autour de la communauté géorgienne.
Propos recueillis par Nicolas Colle
Galerie Photos
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.