Le 2 novembre 2024
- Scénariste : Julien Martinière>
- Dessinateur : Julien Martinière
- Genre : Autobiographie, Poésie, Usine, Littérature, Monde Ouvrier
- Editeur : Sarbacane
- Famille : Roman graphique
- Date de sortie : 2 octobre 2024
A la ligne est une adaptation graphique et réussie du roman éponyme de Joseph Ponthus.
Résumé : « {C’est une journée machinale comme seule l’usine sait en produire} ». Pour suivre celle qu’il aime, Joseph Ponthus est devenu travailleur intérimaire à l’usine. Comme pour d’autres, ce n’est pas une vocation, mais une nécessité. Enchainant les missions dans des usines agroalimentaires de poissons et dans des abattoirs, il se confronte à la réalité du travail à l’usine. L’écriture devient son échappatoire. De cette expérience nait un livre {A la ligne}, un roman poétique et rageur. Le dessinateur Julien Martinière en signe une habile et juste adaptation en bande dessinée.
Critique : La répétition, les tâches monotones, le froid, les odeurs, les douleurs physiques : voilà de quoi rend compte, au fil des jours, Joseph Ponthus, par des mots percutants. Il écrit pour ne pour ne pas se laisser ravager par la monotonie sordide des jours et des nuits à l’usine.
L’écriture de Joseph Ponthus est ciselée dans la réalité âpre de sa condition d’homme à la chaine. Pas de fioritures, ni même de ponctuation. Comme à l’usine, chaque jour se répète : embauche, pause, débauche. Chaque geste est mécanique. Alors pour ne pas se laisser prendre, il choisit le détournement poétique :
« Aujourd’hui, j’ai dépoté 350 kg de chimères. J’ignorais jusqu’à ce matin qu’un poisson d’un tel nom existât . Drôle de poisson. Ça a suffi à mon bonheur de la matinée. Me dire que j’avais dépoter une chimère. ». Il puise dans son amour de la littérature pour narrer le quotidien de ces jours. Les littéraires sont nombreuses mais pas pompeuses, il reprend les mots de Dumas, Zola, la Bruyère, Apollinaire .
Il décrit l’épuisement, le corps qui s’endolorit et endure et puis l’annihilation de la pensée. Cadence, contrôle, comptage, à l’usine, le travail est subordonné et l’individu aliéné à sa tâche. Joseph est intérimaire, un statut qui le rend d’autant plus vulnérable et le contraint à poursuivre le travail quand des collègues installent des piquets de grève et qu’il aimerait les rejoindre. Ce statut d’intérimaire offre à celui qui l’endosse des perspectives instables, des missions de quelques semaines, parfois de quelques mois… dans une usine et puis une autre. Alors, à chaque fois, il faut rencontrer de nouveaux collègues, créer des liens fugitifs, réapprendre des gestes et des protocoles… mais chaque fois aussi, la monotonie revient et reprend le dessus. « On se contente de ce qu’on a ». Joseph Ponthus choisit alors d’écrire pour subvertir sa réalité subie en odyssée. Une odyssée, dans un monde où les machines et le rendement sont les maitres. Par les images et par les mots, il parvient à garder l’intégrité de son individualité.
Alors quand sa femme l’interpelle avec une ironie douce et aimante :
« - Dites-moi , vous ne seriez pas un peu anar’ sur les bords, monsieur Ponthus ?
Il lui répond par quelques mots qui disent tout de son projet.
- Juste lutteur de l’imaginaire »
- A la ligne 1
- © Sarbacane
Le roman de Joseph Ponthus est sorti en 2019. En 2021, l’auteur disparaissait, emporté par un cancer. Paru en 2024, cet album de bande dessinée, signé Julien Martinière, est probablement un hommage rendu à l’auteur et à son style singulier. Il est en tout cas un roman graphique bien travaillé. Le dessinateur parvient à se saisir avec ingéniosité de la matière du texte pour en faire une création graphique remarquable. Pour adapter A la ligne, il choisit la mine d’un crayon. Son album est en noir et blanc. Les dessins sont très précis. Le blanc des pages semble parfois être employé pour signifier le vide de sens du quotidien de l’usine. A d’autres moments, le dessinateur vient au contraire complétement remplir les pages par des scènes crayonnées de façon pointilliste et dense. Julien Martinière ne choisit pas de retranscrire in extenso le texte de Joseph Ponthus. Ainsi, certaines expériences décrites dans le roman sont absentes de la bande dessinée. Le dessinateur est venu s’approprier le texte, s’imprégner de la sensibilité des mots et de la métrique du texte initial . Il est parvenu à créer une narration graphique qui reflète la poésie crue du texte de Joseph Ponthus.
- A la ligne 2
Sans conteste, cet album est une rencontre réussie entre littérature et la bande dessinée. Il est à découvrir aux éditions Sarbacane.
208 pages - 25 €
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